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Il y avait du soleil et un dernier goût de vacances, on était entre soi, on était bien. L’UMP tenait son université d’été à Seignosse (Landes). Après un débat, le ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux, est arrêté dans une allée, aux côtés de Jean-François Copé, par un groupe de militants. Il s’attarde quand on lui présente Amine, ce jeune et grand gaillard d’origine maghrébine qui veut se faire photographier avec les deux stars. Dans le petit groupe, des propos s’échangent qui, s’ils devaient trouver une place parmi les figures de rhétorique, pourraient intégrer la catégorie “gros beauf”.
Extraits : “Amine, ça c’est l’intégration !” s’exclament certains. “Il est beaucoup plus grand que nous, en plus !” réplique Brice Hortefeux. “Il mange du cochon et il boit de la bière !” précise une voix. M. Hortefeux : “Ah, mais ça ne va pas du tout, alors, il ne correspond pas au prototype. C’est pas du tout ça !” “C’est notre petit Arabe” lance quelqu’un. “Bon, tant mieux, conclut le ministre. Il en faut toujours un. Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes…
On rigole bien. Manque de chance, la scène est filmée. Le ministre de l’intérieur pris en flagrant délit de “franchouillardise” raciste sur le dos des Arabes : de l’explosif !

C’est mon pire souvenir politique” admet Brice Hortefeux. “Cette histoire m’a sonné. Je ne suis pas raciste. C’était une caricature de moi qui ne correspondait ni à mon tempérament ni à mes valeurs. Quand on se ramasse un boulet pareil en pleine face, c’est moralement très dur, un choc violent. Je guettais le regard de tout le monde.”
Sur le moment, la défense du ministre prend un tour rocambolesque. Au micro de RTL, l’élu d’Auvergne sort un lapin de son chapeau : ce n’était pas des Arabes qu’il parlait, mais… des Auvergnats ! Bon sang, mais c’est bien sûr ! Il est vrai que le ministre ne désigne pas explicitement ceux qui, “quand il y en a beaucoup” posent un problème, mais, à revoir la scène, “notre petit Arabe” est bien le seul à inspirer, dans cet échange haut de gamme.
La trouvaille a mis du temps à quitter les commissariats, où l’on s’amusait à repérer “des individus suspects de type auvergnat” … Trois ans plus tard, Brice Hortefeux l’admet volontiers : cette histoire d’Auvergnats était bel et bien loufoque. “Le jeune homme et des amis avaient trouvé ça pour me soutenir, reconnaît-il. Sur le moment, je ne les ai pas contredits. A vrai dire, je ne sais même pas de quoi je parlais. Je voulais aller nager. Mon commentaire stupide pouvait à juste titre être mal interprété. L’atmosphère était à la blague potache, je me suis laissé aller et j’en ai eu honte.
Brice Hortefeux a été condamné en 2010 pour injures raciales, à la requête du MRAP. “La preuve qu’on [lui] a fait un mauvais procès” note-t-il, est qu’il a été relaxé en appel au motif qu’il ne s’adressait qu’au cercle restreint des militants qui l’entouraient. La cour d’appel n’en a pas moins qualifié ses propos d’ “outrageants” et “méprisants.”
Entre-temps, le ministre a expié. Il a passé l’épreuve morale des “regrets” le 14 septembre 2009, au dîner du Conseil français du culte musulman, soutenu par Fadela Amara, ministre “de la diversité” et… auvergnate comme lui. Le lendemain, c’était l’épreuve politique : les questions d’actualité à l’Assemblée – “l’exercice le plus difficile et pénible dans la vie d’un ministre” confie-t-il. Ses conseillers lui avaient soufflé d’évoquer des socialistes pris dans des situations semblables. M. Hortefeux, à l’époque, s’est voulu magnanime. Il n’a pas donné de noms.

Il n’est pourtant pas le seul à s’être autorisé une petite vanne raciste. Peu après lui, l’ex-président Jacques Chirac, déjà célèbre pour sa phrase sur “les odeurs” des immigrés en 1991, plaisantait avec Alain Juppé dans les rues de Bordeaux sur un passant “pas tout à fait né natif”. La même année, le ministre de l’intérieur alors maire d’Evry, Manuel Valls, demandait, oubliant les micros de Direct 8, en se promenant dans une brocante de quartier : “Tu me mets quelques Blancs, des White, des “Blancos”.

Dans notre société telle qu’elle fonctionne médiatiquement, où tout n’est qu’images volées, conclut Brice Hortefeux, un ministre ne doit parler que dans le cadre prévu à cet effet. Je suis beaucoup plus prudent maintenant.” Il assure que “la grosse vanne de beauf” ce n’est pas son genre. Qu’il a “plutôt l’humour britannique, fait d’autodérision.” Un modèle en understatement [“litote”], si l’on comprend bien. “Je n’ai pas voulu démissionner, avoue-t-il, car je n’avais pas commis de faute. Je peux dire maintenant que par inattention, par faiblesse, j’avais fait une erreur.
Le Monde

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