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Jean-François Bayart, directeur de recherche au CNRS, ancien directeur du Ceri (Centre d’études et de recherches internationales), fait un bilan critique de la direction de Sciences-Po par Richard Descoings, mort à New York le 3 avril 2012.

Il est paradoxal qu’un établissement se piquant d’enseigner les affaires publiques à l’aune mondiale fasse ainsi fi de toute «transparence».
«Hommage unanime après l’annonce du décès de M. Descoings», titra le Monde le 5 avril. La fabrication des héros ou des saints reproduit les alliances porteuses d’intérêts trop précieux pour que les contingences de la mort les mettent en question. Nul ne conteste l’ampleur de l’œuvre de Richard Descoings. Mais, dans une institution universitaire, l’esprit critique doit être inhérent au travail de deuil. On comprend que les gardiens du temple s’emploient à nourrir le culte pour reconduire un projet dont ils sont parties prenantes. […] Le style de direction charismatique et centralisée a conduit aux mêmes apories que dans le monde de l’entreprise. Un rapport de la Cour des comptes sur le point d’être publié dira s’il y a eu malversations et s’il y a péril financier. […] Le coût de ce type de gouvernement est élevé. Outre les salaires et les primes des tenants du système, doivent être considérés le recours à des cabinets de consultants ou à des entreprises privées, une politique dispendieuse d’invitation de personnalités étrangères, les voyages de la direction des affaires internationales. […] La recherche et l’enseignement en ont pâti. Priorité a été donnée à de nouvelles disciplines plus dans l’air du temps (ou plus susceptibles de drainer des fonds) que les «sciences politiques» auxquelles est dédiée la Fondation nationale (FNSP) du même nom. Certains domaines dans lesquels excellait la FNSP – par exemple les sciences sociales du politique, la politique comparée – ont été marginalisés. La pesanteur du «scientifiquement correct» dans l’arène globale, le recours à des formes quantitatives d’évaluation ont eu des effets pervers. […] Enfin, Sciences-Po a mis au centre de sa stratégie son internationalisation, dont la mise en œuvre n’a pas été toujours judicieuse. La «politique du chiffre» a conduit au doublement du nombre des étudiants au détriment de leur qualité, notamment pour ceux qui proviennent d’Asie. […] Libération

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