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Ils ont 3 ans, 5 ans, 8 ans. Trois petits gamins allongés sur des cartons, entourés de sacs plastique, couvertures et bagages entre les arceaux à vélo devant le point d’accueil d’urgence de l’ARS au 15 rue Gilbert. À deux pas du rush des soldes de la rue Saint-Jean hier matin.
Avec leur papa Hamdi, 24 ans et leur maman de 22 ans enceinte d’un mois et demi ils somnolent après une nuit agitée.

Le SAMU est intervenu, alerté par Étienne Petitgand. « Je fais un tour chaque soir devant l’ARS, en tant que citoyen qui ne supporte pas de voir des gens à la rue », explique le militant de la Ligue des Droits de l’Homme et de Réseau Éducation sans frontières.
« La mère n’allait pas bien du tout, elle perdait du sang, vomissait. Et la petite hurlait. D’après le SAMU, elle a chopé un champignon à cause des nuits à la rue. »
« Il n’y a plus de places d’accueil, les hôtels saturent. On est bloqué »
Étienne a aussi téléphoné au 115 (numéro d’hébergement d’urgence) qui a répondu : aucune place. Il a alors prévenu une avocate qui a alerté la préfecture. Et il est reparti chez lui chercher des couvertures.

Comme la famille ne parle pas un mot de français, Armend, un jeune Kosovar à Nancy depuis 6 ans est venu pour traduire. « Ils disent qu’en Albanie et au Kosovo, on ne veut pas d’eux. Un passeur les a déposés ici la semaine dernière. Des rumeurs disent là-bas que la France est le pays le plus accueillant d’Europe. »

Une famille albanaise et ses trois enfants de 8, 14 et 17 ans arrive et s’installe devant l’ARS après une nuit à la gare. Assis en face sur un muret, deux Arméniens attendent avec leurs sacs de voyage. Les yeux cernés. « On a dormi sur un banc de la place Maginot », explique en anglais Sargis. « On a quitté notre pays à cause de problèmes avec la mafia. » Vendredi, ils auraient peut-être un lit où dormir. Ils espèrent. « On l’espère aussi », soupire Rémi Bernard, directeur de l’ARS qui dès son arrivée au boulot a averti les services de l’État. « Quand on vient le matin et qu’il y a des enfants qui dorment dehors, qu’ils sont toujours là quand on part le soir, on ne s’habitue pas… Que faire ?

Il n’y a plus de places d’accueil, les hôtels saturent. On est bloqué. »

Le directeur regarde un tableau de chiffres sur son ordinateur : 378 personnes hébergées actuellement sur Nancy.

« On atteint des chiffres comme jamais. L’offre d’hébergement n’augmente pas proportionnellement à celui des demandes. »

Il évoque aussi les autres urgences sociales à gérer, comme le cas des deux femmes victimes de violence venues la veille frapper à sa porte. Et le difficile choix à faire entre les demandes, toutes dramatiques. « Je savais qu’on allait vers cette situation de blocage, et je sais que demain, ça peut être pire. »
Devant le pôle d’accueil, les trois petits gamins en pyjama se lèvent et vont s’asseoir sur le trottoir d’en face, au soleil. En attendant une nouvelle nuit dehors. Sur leurs cartons.
Est Républicain

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