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Les socialistes français sont-ils en train de renouer avec la République ou se droitisent-ils toujours davantage, comme certains l’en accusent déjà ? Révélé par les débats de la campagne présidentielle, Laurent Bouvet, auteur du «Sens du peuple», en débat pour «Marianne» avec Eric Fassin, qui vient de publier «Démocratie précaire».

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Laurent Bouvet

C’est une des grandes scissions des années à venir. Jusqu’ici marginale, une gauche d’inspiration conservatrice, parfois souverainiste, affichant un ton nouveau sur les questions de sécurité et d’immigration, a donné de la voix pendant la campagne.

Tous quadras ou même trentenaires, proches ou même membres du PS, ses représentants se nomment Christophe Guilluy, géographe très médiatisé avant le premier tour pour son livre Fractures françaises (éd. François Bourin), compulsé par l’entourage de Nicolas Sarkozy afin d’ausculter ces fameuses zones périurbaines, nouveaux bastions du FN. Ou encore Laurent Bouvet, professeur à Sciences Po et auteur du Sens du peuple (Gallimard), qui a guerroyé tout l’hiver contre Terra Nova, puissant think tank socialiste vu en incarnation d’une gauche bobo, coupée du peuple, prônant un multiculturalisme destructeur pour la cohésion républicaine.
La parution d’un livre collectif, Plaidoyer pour une gauche populaire (éd. le Bord de l’eau), et la création d’un blog commun, leur a valu l’étiquette de «gauche populaire». On y retrouve également d’ex-jeunes chevènementistes comme Gaël Brustier, auteur de Recherche le peuple désespérément (éd. François Bourin), un temps proche d’Arnaud Montebourg pendant la primaire.

Au-delà de leurs divergences, parfois profondes, tous ont en commun de vouloir renverser l’hégémonie idéologique en cours au PS depuis trente ans, reprenant pour certains à leur compte la critique d’une gauche gagnée par la «préférence immigrée»,

selon l’expression du journaliste Hervé Algalarrondo, et oublieuse de la question sociale au profit de combats comme la parité ou le mariage gay.

Autant le dire d’emblée : la bataille idéologique s’annonce rude. Car leurs adversaires comme Olivier Ferrand, président de Terra Nova, n’hésite plus à diagnostiquer chez eux un «surmoi lepéniste», en phase de succéder selon lui au «surmoi marxiste» de la gauche.

Et dans un registre presque aussi sévère, le sociologue Eric Fassin, que nous avons confronté dans l’entretien qui suit à Laurent Bouvet, affirme que cette mouvance est comparable «à ce qu’on appelle au Pays-Bas le “nouveau réalisme”», des gens pour qui «la gauche doit avoir le courage de reprendre à son compte les discours de la droite, comme celle-ci a déjà le courage d’endosser celui de l’extrême-droite.» C’est peu de dire que le sarkozysme qui s’achève, le frontisme qui prospère, et la crise qui balaye désormais le continent européen, auront puissamment contribué en quelques années à malaxer la pâte politique du pays. Rien à voir ici avec des querelles sur le sexe des anges, sans portée véritable. Toutes ces fractures traversent jusqu’au nouveau pouvoir en place, et l’enjeu n’est rien de moins que le visage de la gauche qui vient. (…)
Marianne 2

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