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Les seuls débats économiques du moment sont des débats de chiffres. Chiffres inutiles, chiffres illusoires, ils masquent l’essentiel de la situation qu’ils prétendent décrire, et permettent aux responsables politiques d’oublier qu’ils sont en charge de notre avenir.

«Quel est le pays, le pays, il y en a un, qui n’a pas connu un trimestre de récession depuis 2009? C’est la France. […] Y a-t-il un pays au monde qui a fait mieux? Y a-t-il un pays d’Europe et de l’OCDE qui a fait mieux en termes de croissance que la France depuis 2009? Il n’y en a pas.» Cette phrase aurait pu être l’axe central de la campagne électorale. Cette phrase de Nicolas Sarkozy ouvre tous les débats qui doivent être ceux de notre pays. On n’en retiendra pourtant qu’une polémique totalement vaine sur les performances comparées des différents Etats de l’OCDE et la définition même du mot « récession ».

Cette phrase est appuyée sur un fait, qu’aucun camp politique ne peut revendiquer, parce que c’est le résultat de 60 ans d’action publique : la France est un des pays qui a le mieux protégé le niveau de vie de sa population pendant la crise. Elle ouvre une question : quel est le prix de cette résistance ? Elle devrait nourrir le débat de tous les débats : le modèle français de protection sociale issu de la résistance est-il encore viable aujourd’hui et si oui à quelles conditions ? La taille de notre secteur public est-elle encore soutenable aujourd’hui, et si oui, à quelles conditions ? Je vais même plus loin, est-ce une fin en soi de résister à la récession ? Ne serait-il pas souhaitable d’avoir un modèle beaucoup plus dynamique qui épouse davantage les cycles du monde. Je n’en sais rien (ou plutôt si, j’ai mon idée, mais ce n’est pas le sujet).

Ce ne sont pourtant pas les questions sur lesquelles s’est porté le débat public. Non, ce que j’ai lu, entendu, ce sont des « mises au point » sur la définition de la récession, sur les résultats meilleurs visiblement de la Suisse ou de la Suède, sur tel ou tel trimestre, de tel ou tel pays, dans le seul but de  savoir si la phrase était « juste » ou pas.

Misère! Le « factchecking » venait de prendre le pouvoir !

Cette campagne a été celle d’une hystérie des contrôles. Des batteries de contrôleurs sur le net pour sanctionner en temps réel les erreurs factuelles des puissants. Totale illusion. Je pose 2 questions simples: combien y a-t-il de chomeurs en France? combien manque-t-il de logements en France?  Ne cherchez  pas, il n’y a pas de réponse. Pas de réponse précise j’entends. Ces deux enjeux ne sont pas des chiffres, ce sont des problèmes d’ampleur à traiter. Il faut, comme je l’ai fait, parcourir certains de ces exercices pour relever une somme formidable d’erreurs factuelles et de contradictions. Mais surtout, il va bien falloir un jour réfléchir aux conséquences de ce nouveau sport national.

Aucun des débats économiques ne devrait être un débat de chiffres, et pourtant tous se sont résumés pendant des semaines à des équations absurdes. L’économie n’est jamais statique, elle est dynamique, et la dynamique ne se « factcheck » pas, elle dépend de la volonté des hommes.

A force d’oublier de parler politique, on a mobilisé les extrêmes. Ceux qui subissent le réel se foutent totalement des chiffres, ils ne voient que leur détresse.

BFMbusiness

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