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Au premier tour de l’élection présidentielle, les catholiques ont voté comme suit : 47% pour Nicolas Sarkozy ; 15% pour Marine Le Pen ; 14% pour François Hollande ; 7% pour Jean-Luc Mélenchon (sondage Harris Interactive réalisé en exclusivité pour La Vie).
Le grand vent du « chrétinisme » a donc soufflé le 22 avril. Jean-Luc Mélenchon, le “bouffeur de curés”, obtient 7% des voix catholiques. Quant aux 47% obtenus par Nicolas Sarkozy, ils sont surréalistes si on les met en relation avec le score relatif (moins que la moyenne des Français) de la seule candidate « de souche » ET catholique revendiquée. Bêtise et masochisme sont-ils les deux mamelles du vote “catho” ? Cette élection semble le confirmer.
Depuis que les sondages donnent François Hollande vainqueur des suffrages, c’est d’ailleurs la panique à bord du navire chrétin : nous retrouvons le réflexe conditionné du droitard, génétiquement programmé pour voter contre son camp jusqu’à la fin des temps. L’appel se propage dans toute la cathosphère, des “cathos mous” et libéraux aux “nationaux-catholiques” : Nicolas Sarkozy est leur nouveau messie.

La droite des valeurs : mais de quelles valeurs ?

Christine Boutin : « on connaît, mon exigence par rapport à ces principes fondamentaux, j’essaye de les faire vivre à travers ma longue vie politique (…) Nicolas Sarkozy propose une société basée sur les principes judéo-chrétiens ». Christine Boutin on le sait, a vendu sa candidature à la présidentielle contre un plat de lentilles. Et contre tous les principes catholiques qu’elle prétend défendre, a cédé à l’un des cotés les plus abjects de la modernité : l’impudeur, en détaillant par le menu sa vie sexuelle sur les plateaux de télévision et dans la presse à scandales.
Frigide Barjot, pourtant sympathique, verse également dans le registre de catho terrorisée : « Devant l’urgence de la situation éthique et politique, brisons la tradition chrétienne de non-appel au vote… Hier soir sur KTO, je me suis lancée dans l’annonce explicite de ce que je voterai en conscience et en tant que catholique ce dimanche 6 mai, jour de la Sainte Prudence : contre le programme de François Hollande donc, pour celui de Nicolas Sarkozy. »
À ce stade d’hystérie et de peur panique, il serait temps de voir un peu le bilan de la droite en matière de valeurs « catholiques ».
L’alpha et l’oméga du combat catho : la légalisation de l’avortement. Qui l’a faite ? Un indice : nous sommes en 1975… sous la présidence de V. Giscard D’Estaing, gouvernement Chirac. C’est donc la droite qui l’a votée.
« La droite est contre le mariage homosexuel, ça nous rassure ! » L’on se souvient de Christine Boutin brandissant sa bible dans l’hémicycle lors du vote du PACS (on attend toujours les larmes de rage de Christine Boutin pour pleurer les jeunes filles victimes de tournantes ou de crimes d’honneur dans les caves des cités). Rappelons à nos amis chrétins qu’en 2010 le mariage homosexuel était dans les tuyaux d’un gouvernement de droite. Plusieurs personnalités du gouvernement s’étaient d’ailleurs prononcées pour l’application effective de cette partie du programme de Nicolas Sarkozy en 2007 : Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Frédéric Mitterrand, Roselyne Bachelot, Chantal Jouanno, Nadine Morano, Jeanette Bougrab, François Fillon.
« Nous sommes pour les valeurs familiales ». Donc le divorce c’est mal, enfin, c’est mal quand il s’agit de Marine Le Pen : les plumes de Rivarol ne le lui pardonnent pas et l’insultent copieusement à longueur de pages. Mais que Nicolas Sarkozy ait divorcé à deux reprises, aucun problème ; que chacune de ses deux dernières épouses soit plutôt dans le registre « aventurière », pas de problème là non plus. Qu’en plus, chacune des deux donzelles en A (Carlita et Cécilia) ait déclaré ne pas avoir une goutte de sang français et en être fière, ça aussi ça n’a pas l’air d’inquiéter les « catholiques et Français toujours »…
Continuons avec une déclaration de Nadine Morano. En mars 2009 elle s’est déclarée favorable à la gestation pour autrui « si et seulement si ça répond à aider un couple qui pourrait devenir parents et qui ne peut pas l’être », et à condition que cette pratique soit strictement encadrée. De plus, la secrétaire d’État chargée de la famille a précisé qu’elle préférait le terme « femme porteuse » parce « qu’elle ne sera que la gestatrice et en aucun cas la génitrice ». Légaliser les mères porteuses ? Donc livrer l’utérus des femmes à la concurrence libre et non faussée et à la marchandisation, c’est ce qui s’appelle défendre la famille et les valeurs traditionnelles sans aucun doute.
Quid du travail le dimanche ? C’est bien Nicolas Sarkozy qui a voulu faire travailler les Français le dimanche, et donc supprimer cette journée non-marchande et familiale au profit de la civilisation du tube digestif.
Laissons le dernier mot à Jean-Claude Michéa sur le sujet : « Dans sa rhétorique et ses promesses électorales, un parti de droite n’hésitera jamais à défendre la famille ou la religion (laissant à la gauche moderne le soin de développer, à ses risques et périls, le vrai point de vue libéral sur la question). Mais dès qu’il s’agit de passer à l’acte, elle hésitera encore moins à étendre au jour du Seigneur lui-même (ou si l’on préfère, au jour de la famille) le droit d’exploiter son prochain. Toute la question est donc de savoir si l’on doit juger la philosophie réelle d’un parti de droite sur sa seule rhétorique électorale (l’universitaire de gauche s’en tient généralement là) ou, au contraire, sur la politique concrète qu’il applique sans phrase une fois parvenu au pouvoir. Dans une société libérale développée, c’est en effet aux universitaires de gauche qu’il incombe de fournir la véritable bande-son des modernisations capitalistes, c’est à dire de jouer les idiots utiles du système en revendiquant à voix haute (Foucault et Deleuze à l’appui) ce que la droite met silencieusement en pratique sous le masque hypocrite d’un discours « conservateur ». (Jean-Claude Michéa, Le complexe d’Orphée : la Gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès, Flammarion 2011) (…)
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