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El Mouhoub Mouhoud, professeur d’économie à l’université Paris Dauphine, auteur du chapitre sur l’immigration dans « La présidentielle en 25 débats » (ed. l’Express Roularta), est également l’auteur d’une note sur la politique migratoire pour le think tank du Parti Socialiste, Terra Nova. Prête depuis l’automne 2010, elle n’a toujours pas été publiée.

“C’est un mythe complet que de croire que la France est encore un grand pays d’immigration. Seul le Japon est plus fermé ”

Pourquoi votre rapport sur l’immigration pour Terra Nova n’a-t-il toujours pas été publié ?
El Mouhoub Mouhoud : Ce n’est pas vraiment mon problème aujourd’hui, mais je crois que cette décision ne tient pas au manque d’intérêt du parti socialiste pour la question de l’immigration, mais au fait qu’il marche sur des œufs. Il y a aujourd’hui un alignement tellement fort sur les idées du Front National dans la campagne présidentielle que le PS est en porte à faux pour proposer une vraie politique d’immigration. Le PS a pris position en annonçant être pour le droit de vote des étrangers aux élections locales, mais il ne se prononce pas sur l’immigration. Aujourd’hui, dans cette campagne, il n’y a aucune réflexion sur cette politique car le débat est devenu irrationnel.

Quels sont les éléments de rationalité que vous introduisez dans le débat, par ce rapport et par votre contribution à « La présidentielle en 25 débats » ?
On entend partout, dans cette campagne, que la France n’a plus les moyens d’accueillir de nouveaux immigrés, mais proportionnellement à la population, les flux migratoires reçus par la France sont parmi les plus faibles de tous les pays de l’OCDE. La France se place avant dernière, seul le Japon est plus fermé qu’elle à l’immigration. Les flux migratoires dans l’OCDE s’établissent en moyenne à 0,7% de la population résidant déjà dans le pays, contre 0,23% pour la France. C’est un mythe complet que de croire que la France est encore un grand pays d’immigration.

Au delà de l’écart entre le débat et la réalité, la politique migratoire telle qu’elle est pratiquée depuis les années 1970 est-elle satisfaisante ?
La politique d’immigration est inefficace justement parce qu’elle est restrictive. L’action politique n’a aucune prise sur ces flux car ils sont trop faibles, il n’y a aucun volant, aucune marge d’action. Les flux de population qui entrent en France sont quasi exclusivement régis par les traités internationaux qui commandent le regroupement familial ou le droit d’asile. Ce n’est pas parce qu’il y a du chômage en France qu’il n’y a pas des secteurs ni de régions qui manquent de main d’œuvre. L’entrée d’immigrés pour répondre à ces besoins est une réponse efficace, à court terme.

Votre vision de la politique migratoire rappelle « l’immigration choisie » du début de mandat de Nicolas Sarkozy. Êtes-vous pour une politique sélective ?
La politique sélective est balbutiante, aujourd’hui le seul élément intéressant de celle-ci a été supprimé en août 2011 : sa régionalisation. La carte des talents et des compétences était, elle, encore trop restrictive par rapport à d’autres pays comme le Canada qui offre la nationalité quelques années après. C’est en sécurisant plutôt qu’en précarisant les immigrés qu’on leur donne la possibilité de se montrer entreprenant, de monter des projets, de prendre des risques.

En parallèle de sa politique migratoire sélective, le gouvernement a également envoyé des signaux négatifs en tenant un discours très dur sur l’immigration clandestine. Les migrants potentiellement qualifiés préfèrent des régions du monde alternatives qui sont globalement plus attractives.

Yabiladi

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