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Tribune libre de Paysan Savoyard

Sur le plan du fonctionnement des institutions, le bilan de M. Sarkozy se place sous le signe de la continuité : le nombre des députés et sénateurs poursuit sa croissance ; ces messieurs-dames peuvent continuer à cumuler les mandats ; l’absence de proportionnelle permet d’évincer de l’assemblée des courants d’opinion importants ; l’absence de référendum populaire autorise les partis « de gouvernement » à poursuivre au fil des alternances la politique immigrationniste, européiste et mondialiste rejetée pourtant, si l’on en croit les enquêtes, par une partie croissante de l’opinion.

M. Sarkozy a fait procéder à une réforme constitutionnelle par une loi du 23 juillet 2008. Elle comporte des modifications assez nombreuses mais limitées dans leur portée. Les prérogatives du président ont été réduites à la marge, celles du parlement légèrement accrues (par exemple le président ne pourra désormais effectuer plus de deux mandats ; le parlement peut désormais s’opposer à la majorité des 3/5e aux nominations prononcées par le président ; le parlement pourra disposer d’une certaine maîtrise de son ordre du jour ; les possibilités qu’a le gouvernement de recourir au dispositif du 49-3 sont quelque peu réduites).

En outre la révision étend le rôle du conseil constitutionnel, qui, sur recours d’un justiciable, pourra être amené à se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi déjà en vigueur. Un défenseur des droits remplace le médiateur de la république et regroupe plusieurs autres institutions jusqu’ici autonomes, telles que la HALDE. »

Au-delà de ces modifications limitées on peut mettre l’accent sur quatre évolutions intervenues dans ce domaine des institutions :

  • M. Sarkozy a exercé de façon encore plus voyante que ses prédécesseurs le pouvoir très étendu qu’octroie le régime présidentialiste

La pratique de M. Sarkozy a souligné le caractère présidentialiste du régime. Pendant la première partie du quinquennat le président a tenu à marquer qu’il pilotait directement chacun des dossiers et des secteurs de l’activité gouvernementale, le premier ministre étant relégué au rang de collaborateur. Commentateurs et constitutionnalistes ont cru noter une évolution substantielle des institutions (vers une hyper-présidence). Il n’en est rien en réalité.

Dans le système présidentialiste français (en période de concordance des majorités du moins), le président dispose en totalité du pouvoir exécutif. Les prédécesseurs de M. Sarkozy utilisaient le premier ministre comme un fusible : placé en permanence sur le devant de la scène, le chef du gouvernement permettait au président de paraître se situer dans une position d’arbitre. La présence en première ligne du premier ministre et du gouvernement n’empêchait pas leur action d’être étroitement dirigée et contrôlée au quotidien par le président et son cabinet. La pratique de M. Sarkozy n’a pas changé les choses sur le fond, rendant simplement plus évidente cet aspect clé du régime de la cinquième république : la concentration du pouvoir exécutif (et même législatif du fait de l’existence d’une « majorité présidentielle ») entre les mains du président.

M. Sarkozy a pris progressivement conscience qu’en s’exposant personnellement au quotidien, il avait prématurément dégradé son image et protégé à l’inverse celle de son premier ministre (qui a pu de ce fait conserver son poste pendant cinq ans). Il est dès lors revenu dans la seconde partie du quinquennat à une pratique plus proche de celle de ses devanciers en laissant une place accrue à M. Fillon.

  • M. Sarkozy a mis en place un faux référendum d’initiative populaire

M. Sarkozy a affirmé avoir mis en place un dispositif de référendum d’initiative populaire. En réalité la réforme introduite par la révision constitutionnelle de 2008 n’est qu’un faux-semblant.

Pour mériter cette appellation, le référendum d’initiative citoyenne suppose en effet qu’une proposition de loi, dès lors qu’elle  a recueilli un nombre suffisant de signatures (50 000 en Suisse), soit automatiquement soumise au référendum : rien de tel avec le dispositif Sarkozy.

L’article 11 de la Constitution prévoit certes désormais qu’un référendum peut-être organisé si une proposition de loi est soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales (soit environ 4 millions de personnes, nombre dix fois supérieur compte-tenu des démographies respectives à celui en vigueur en Suisse, qui rend à lui seul le référendum difficile à envisager en pratique).

Mais la Constitution introduit deux précisions qui achèvent de réduire pratiquement à néant la possibilité qu’un tel référendum soit tenu (voir le texte de la Constitution) :

–  Le référendum tout d’abord ne peut être organisé que si l’initiative en est prise par  un cinquième des membres du Parlement (indépendamment du fait que le nombre des signatures requis doit par ailleurs être atteint). Autrement dit il ne peut y avoir de référendum s’il n’est pas validé par une partie des parlementaires.

– Seconde précision : « Si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le président de la république la soumet au référendum. ». En clair il suffit que le parlement décide de procéder à une simple lecture de la proposition de loi destinée à être présentée au référendum… pour que ce référendum ne puisse avoir lieu.

On voit que le parlement et le gouvernement (qui contrôle l’ordre du jour des assemblées) ont toute possibilité de s’opposer à la tenue d’un référendum, quand bien même la proposition de loi aurait recueilli le nombre des signatures de soutien requis.

  • Les électeurs ne seront plus consultés sur l’adhésion de la Turquie

Il faut signaler cet autre mauvais-tour joué par M. Sarkozy pour retirer au peuple toute possibilité de s’opposer aux menées de l’oligarchie. En 2005 une précédente révision constitutionnelle avait introduit la disposition suivante : « Tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un État à l’Union européenne est soumis au référendum par le Président dela République. »

Cette révision intervenait au moment où l’Europe décidait d’engager des négociations d’adhésion avec la Turquie. Connaissant l’hostilité de l’opinion à la perspective d’une adhésion turque, M. Chirac pour faire passer la pilule et tranquilliser l’électorat, a fait introduire dans la constitution cette disposition censée garantir au peuple qu’il aurait de toute façon le dernier mot le moment venu.

M. Sarkozy, lui, avait proclamé au cours de la campagne de 2007 son hostilité  à l’adhésion de la Turquie.Une fois élu président il a tout d’abord décidé, premier revirement, de poursuivre les négociations d’adhésion. Il a ensuite, plus fort encore, introduit à la faveur de la révision de 2008 une modification de l’article 88-5 de la constitution, qui se présente désormais de la façon suivante :

« Tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un État à l’Union européenne est soumis au référendum par le Président de la République. Toutefois, par le vote d’une motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes, le Parlement peut autoriser l’adoption du projet de loi selon la procédure prévue au troisième alinéa de l’article 89 » (c’est-à-dire que le projet de révision est soumis dans ce cas non pas au référendum mais au Parlement réuni en Congrès).

Autrement dit le gouvernement et la majorité parlementaire pourront décider de ratifier  le moment venu l’éventuel traité d’adhésion de la Turquie sans recourir à un référendum.

Insistons-y pour que les choses soient bien claires : par la duplicité de M. Sarkozy, non seulement les négociations avec la Turquie continuent de plus belle (nous y reviendrons dans un prochain article), mais les électeurs ont été privés de la garantie du référendum que leur avait donnée M. Chirac.

  • Et 5 sénateurs de plus au compteur… !

L’UMP et le PS s’entendent pour procéder, en douce et à tour de rôle, à une augmentation continue du nombre de sièges de députés et sénateurs. En 1985, au motif que l’adoption du scrutin proportionnel aux législatives de l’année suivante allait permettre à de nouveaux courants de disposer de députés, les socialistes ont fait passer le nombre des députés de 491 à 577. Dès les législatives suivantes, le scrutin est redevenu majoritaire… sans pour autant que le nombre des députés ait été ramené à l’étiage initial.

L’UMP et le PS n’ont pas laissé les sénateurs en reste. Sous le prétexte cette fois de l’augmentation de la population, leur nombre est discrètement accru à l’occasion de chaque élection sénatoriale. Il est ainsi passé depuis 2004 de 316 à 348, soit 32 sièges en plus. A noter que la loi de 2003 prévoyant cette augmentation progressive du nombre des sénateurs avait été adoptée, le … 30 juillet, moment propice aux décisions de ce genre.

M. Sarkozy a apporté sa pierre à cette politique de création d’emplois, louable certes en période de chômage massif : 5 sièges de sénateurs supplémentaires ont été introduits en 2011 (mais, soyons honnêtes, la décision avait été prise en 2003).

S’agissant des députés, la révision de2008 a décidé que le nombre de 577 députés serait désormais inscrit dans la constitution (l’assemblée de 2012 comprendra 11 députés des Français résidant hors de France, mais leurs circonscriptions ont été créées dans le cadre d’un redécoupage qui ne change pas le nombre total de 577).

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En regard du bilan sarkozien, évoquons rapidement les principales évolutions institutionnelles qui paraissent souhaitables :

 

  • Un véritable référendum à l’initiative des électeurs

L’adoption d’un véritable référendum d’initiative populaire serait hautement désirable. Certes il est inévitable que dans un pays moderne et peuplé, la démocratie s’exerce pour l’essentiel par le biais de représentants élus. L’introduction d’un mode de démocratie directe est cependant souhaitable, nous semble-t-il. Dans le cas français en effet, les modes de scrutin présidentiel et législatif réservent en pratique le pouvoir aux deux partis « de gouvernement » PS et UMP. Il se trouve que ces partis sont en accord sur les principaux aspects de la politique publique : dans ces conditions leur alternance au pouvoir retire au peuple, en pratique, la possibilité de s’opposer sur tel ou tel point aux politiques suivies.

Le référendum populaire permettrait, comme en Suisse, de sortir de cet enfermement démocratique et d’interroger directement le peuple sur le point de savoir par exemple s’il veut ou non arrêter l’immigration, mettre en place des protections douanières aux frontières, sortir de l’UE ou encore interrompre la construction de nouvelles centrales nucléaires.

Compte-tenu de l’étendue du consensus qui unit l’UMP et le PS sur la plupart des sujets, les électeurs se voient actuellement refuser toute possibilité de se prononcer de façon utile sur ces questions décisives. Rappelons pourtant les termes de la constitution (article 3) : « La souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».

  • Adopter la proportionnelle pour renouveler le personnel politique

Le mode de scrutin législatif devrait être réformé pour permettre une meilleure représentation des différents courants de l’opinion. On sait que le scrutin proportionnel n’a pas que des avantages : il entraîne le plus souvent une instabilité gouvernementale ; il donne aux partis la possibilité de se livrer à des tractations qui ne correspondent pas nécessairement aux vœux des électeurs.

Mais il faut, nous semble-t-il, raisonner en prenant en compte les résultats concrets du système actuellement en vigueur : les avantages du système de la cinquième république (stabilité gouvernementale, grande gouvernabilité grâce à la prééminence de l’exécutif) ont permis aux principaux partis de mener efficacement depuis plus de quarante ans une politique… qui ne correspond pas aux intérêts de la France et de la majorité des Français.

Le scrutin majoritaire, qui garantit la présence au pouvoir en alternance de ces deux partis de gouvernement, constitue un élément clé du régime en vigueur. Si nous voulons échapper à l’avenir que la poursuite des politiques mondialistes et immigrationnistes nous promet, il faut déstabiliser cet édifice UMP et PS et l’empêcher de « gouverner en rond » en se moquant des craintes et des attentes du peuple telles que les révèlent les sondages. Le scrutin proportionnel provoquera cette déstabilisation et cette déstabilisation sera positive : lorsque les politiques suivies sont mauvaises, il faut retirer à ceux qui les conduisent les moyens institutionnels dont ils disposent.

  • Supprimer le sénat

Il nous paraît souhaitable que le sénat soit supprimé. Cette institution n’est pas utile, puisqu’en cas de désaccord entre le sénat et la chambre des députés, celle-ci a le dernier mot.

L’argument selon lequel la plupart des pays démocratiques ont deux chambres ne tient pas : ces pays sont presque tous fédéraux ou fortement régionalisés, la « chambre haute » représentant les États fédérés. Ce n’est pas le cas de la France où, en dépit de l’accroissement de la décentralisation, la plupart des compétences essentielles restent exercées par l’État.

S’il l’on tient absolument à une seconde chambre, fusionnons du moins le sénat et le conseil économique et social, qui comprend lui 233 membres et coûte 37 millions par an). (Rappelons que cette fusion des deux institutions était en 1969 le projet du général de Gaulle).

La suppression du sénat ou du moins sa fusion avec le CES romprait certes avec les habitudes. Mais chacun en convient désormais : l’énormité de la dette publique impose une réduction des dépenses. Ne soyons pas inutilement conservateurs : la suppression du sénat (ou sa fusion avec le conseil économique et social) constitue une mesure à portée de main, simple d’application et qui n’entraîne aucun bouleversement de la société. Elle permettrait à la classe politique, dont l’image dans l’opinion est très mauvaise, de retrouver un peu de crédit.

Relevons au passage que les sénateurs américains ne sont que 100, soit trois fois moins que nos cacochymes représentants.

Coût du Sénat pour le budget de l’État : 333 millions par an.  Sans parler de la chaîne parlementaire : 35 millions.

  • Réduire le nombre des députés et interdire le cumul de leur mandat avec les mandats locaux

Dans le même esprit, il nous paraît que le nombre des députés pourrait être réduit. 300 députés seraient largement suffisants (comme vient de le proposer le syndicat CFTC) s’il s’agissait de parlementaires de plein exercice et non de cumulards dispersés entre l’assemblée, leur mairie, la communauté de communes voire le département ou la région. Si la réduction à 300 provoque un haut-le-cœur général, soyons plus modérés. Mais réduisons tout de même. De 577 à 500, la réduction serait un bon signal, sans constituer pour autant une révolution.

Cette réduction devrait s’accompagner d’une interdiction de cumuler un mandat de député et un mandat local, de façon à disposer enfin de représentants à plein-temps.

  • Réduire fortement le nombre des instances consultatives

On peut penser, enfin, à supprimer de nombreux « machins ». Dans la situation financière du pays, est-il vraiment vital de se payer un conseil supérieur de l’audiovisuel (coût, en crédits de paiement 2011, 38 millions), un conseil national de l’informatique et des libertés (15 millions par an), une Halde (12 millions), désormais intégrée au défenseur des droits, un contrôleur général des lieux privatifs de libertés, un défenseur des enfants (qui subsistera lui aussi sous la forme de service du défenseurs des droits), une commission d’accès aux documents administratifs, un comité national d’éthique ou encore une commission consultative des droits de l’homme ?

Toutes ces institutions au nom ronflant (celles-ci sont « hautes », celles-là « supérieures », d’autre encore « générales » ou « nationales »…) ne sont que consultatives. Elles viennent s’ajouter inutilement à l’administration, à ses corps de contrôle, à la justice et au parlement, qui ont eux des pouvoirs de décisions, de contrôle, de jugement.

Les autorités consultatives, qui, comme leur nom l’indique, ne font que rendre des avis et des rapports, sont apparues dans les années 70. Le pays s’en passait auparavant et n’était pas pour autant une dictature gouvernée par un État autiste. L’ensemble de ces placards dorés coûte au total 91 millions par an.  L’heure est grave en France : faisons le ménage là dedans.

 

Concluons. Le bilan de M. Sarkozy concernant les institutions et leur fonctionnement ? Identique à celui établi au titre des domaines déjà examinés dans les précédents articles : pas mal de réformes en quantité ; rien de vraiment important quant à leur contenu et leur portée. Une petite entourloupe, avec le vrai-faux référendum d’initiative populaire. Une plus grosse avec la suppression du référendum sur l’adhésion à l’UE. L’oligarchie dans ses oeuvres…

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