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Même si une partie de ses habitants regrettent le Deutsche Mark et si leurs dirigeants bataillent pour sauver l’euro, l’Allemagne reste le principal bénéficiaire de la création de la monnaie unique. Une excellente raison pour en financer le sauvetage.

Nous continuons de récupérer plusieurs fois ce que nous dépensons pour l’Europe et pour l’euro », dit régulièrement la chancelière Angela Merkel depuis le début de la crise. Et elle ajoute que l’Allemagne bénéficie plus que tout autre pays de la zone euro de l’existence de la monnaie unique.

Rares sont ceux qui contestent le fait que l’Allemagne, très dépendante de son commerce extérieur et qui écoule 40% de ses exportations à l’intérieur de la zone euro, tire avantage du fait qu’elle partage la même monnaie que 16 autres pays.

L’existence de la monnaie unique la met en effet en grande partie à l’abri du risque de change, lui garantit l’accès à un vaste marché unique et lui assure des prix plus stables encore qu’à l’époque du Mark.

Si elle avait conservé sa propre monnaie, l’économie allemande souffrirait probablement aujourd’hui face à ses partenaires commerciaux d’un taux de change supérieur de 20% à celui de l’euro aujourd’hui, estime la banque publique KfW.

L’Allemagne est plus grande mais elle aurait le même genre de problème que la Suisse en ce moment », estime Greg Fuzesi, analyste de JP Morgan.

La Banque nationale suisse (BNS) a dû intervenir à plusieurs reprises sur les marchés ces derniers mois pour tenter de freiner la hausse du franc, dopée par la fuite des capitaux vers les valeurs refuges.

L’EURO, DEUX POINTS DE CROISSANCE EN 2010

KfW a calculé que, sans l’euro, l’activité économique globale en Allemagne aurait été amputée de 50 à 60 milliards d’euro en 2009 et en 2010. La croissance 2010 aurait ainsi été de 3,6% seulement contre 5,6%.

Malgré cela, 54% des Allemands disent souhaiter un retour du Mark, selon un récent sondage de l’institut Forsa auprès de 1.001 personnes. Ils ne sont toutefois que 43% à juger que l’économie du pays se porterait mieux sans la monnaie unique.

Les entreprises allemandes, elles, craignent de perdre les avantages que l’euro leur a apportés et plaident donc pour que les responsables politiques trouvent une issue rapide à la crise.

Dans la situation actuelle (…), les avantages de l’euro ne compensent pas les inconvénients, mais si nous parvenons à répondre aux risques de court terme, nos entreprises seront très contentes de garder l’euro », explique Brun-Hagen Hennerkes, qui dirige une fédération d’entreprises familiales exportatrices.

Première économie d’Europe, l’Allemagne est aussi le premier payeur de la facture de la crise : sur les 440 milliards de financements et garanties du Fonds européen de stabilité financière (FESF), Berlin en assume 221 milliards et beaucoup d’Allemands redoutent de voir ce montant s’alourdir encore.

Les analystes divergent sur l’ampleur qu’aurait connue la hausse du Mark s’il avait survécu, certains d’entre eux arguant du fait qu’il n’aurait pas profité à plein de la “fuite vers la qualité » déclenchée par la crise de la dette.

Il ne fait aucun doute qu’ils devraient s’accommoder d’une monnaie forte. Reste à savoir si elle serait beaucoup plus forte que l’euro aujourd’hui », résume Simon Derrick, responsable de la recherche devises de BNY Mellon à Londres.

UNE DETTE PUBLIQUE MOINS COÛTEUSE

Le cabinet de conseil McKinsey estime quant à lui que l’Allemagne doit à l’euro un tiers environ de la croissance économique engrangée depuis 1999, contre 20% seulement pour l’ensemble de la zone euro, selon une étude pas encore publiée que s’est procurée Reuters.

La disparition des coûts de transactions et de couverture de change représente à elle seule une contribution de 11 milliards d’euros au PIB allemand 2010, soit un tiers du montant total pour l’ensemble de la zone, selon cette étude.

La hausse des échanges a représenté 30 milliards de plus et les gains de compétitivité 113 milliards, poursuit McKinsey.

La crise de l’euro a apporté à l’Allemagne un avantage supplémentaire : le repli des investisseurs sur les actifs financiers jugés les moins risqués lui permet de se refinancer meilleur marché.

Les rendements des obligations allemandes, considérées comme les plus sûres de la zone euro, sont tombés à des plus bas record, le 10 ans passant sous le seuil de 2%.

Des rendements en baisse sur le marché secondaire permettent à Berlin de réduire les coupons sur les nouvelles émissions, donc de limiter le coût de ses emprunts.

Alors que les rendements moyens avoisinaient 3,5% sur les 10 dernières années, une baisse à environ 1% pourrait réduire les intérêts payés par l’Etat sur les nouvelles émissions de 12,5 milliards d’euros par an, ou de 60 milliards d’ici fin 2015, selon une récente étude d’UniCredit.

Tous ces éléments n’empêchent pas l’Allemagne de commencer à ressentir douloureusement l’impact de la crise : les prévisions de croissance ont déjà été revues à la baisse et certains économistes n’excluent plus une récession.

L’Allemagne bénéficie de l’existence de l’euro mais doit payer le prix de la crise de la dette », résume Oliver Holtemöller, responsable des études macroéconomiques de l’institut IWH. “Nous nous attendons à un passage à vide économique, et il sera à mettre au compte de la crise de la dette ».

Reuters

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