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Trois ans après la crise financière, venue gifler l’économie britannique, le gouvernement n’a plus qu’un mot à la bouche : les « cuts » (coupes budgétaires). Tout le secteur public est concerné, mais la santé, jugée trop dépensière, est de loin la plus touchée, avec 20 milliards de livres (22,8 milliards d’euros) d’économies à réaliser d’ici 2014-2015 et une refonte du système.

A l’Hôpital University College of London, bâtiment ultramoderne inauguré par la reine en personne en 2005, les effets se font déjà ressentir. S’il est pour l’heure épargné par les milliers de suppressions de postes dans le secteur, l’hôpital doit néanmoins économiser 45 millions de livres d’ici à la fin 2012.

Le personnel médical se dit plus que jamais sous pression. « On doit faire toujours plus avec toujours moins. Les recrutements et les salaires sont gelés, on fait beaucoup d’heures sup, on ne peut plus partir en vacances quand on veut, et le moral n’est pas terrible… », avoue Mary*, pharmacienne clinique.

Tous redoutent de perdre leur travail. « Qu’est-ce que je vais devenir, si ça arrive ? s’inquiète Rowena Mallair, infirmière. On espère tous ne pas être touchés, mais on voit les nouvelles… A l’hôpital, ils font tout pour nous rendre la vie difficile. Et si tu craques, ils ne t’empêcheront pas de partir. » Elle songe aujourd’hui à émigrer. « Les Etats-Unis, c’est fermé. Mais l’Australie est bien pour les infirmières, il paraît. » La pilule est d’autant plus amère que le personnel dit se dévouer corps et âme à ses patients. « On travaille sans compter pour eux, sept jours sur sept, 365 jours par an, sans Noël ni jour de l’An », insiste Oana-Alexandra, assistante médicale. « C’est un peu injuste pour nous, ajoute cette petite rousse lors de sa pause sandwich. On est victimes des banquiers. On paye pour la crise qu’ils ont déclenchée. »

Comme ses collègues, elle redoute surtout que le manque de moyens finisse par avoir un impact sur le suivi des patients. « On fait notre maximum, mais on est juste des humains. Parfois on est fatigués, malades… » Les syndicats ont tiré l’alarme à ce sujet.

Selon Mark Porter, qui représente celui des docteurs, les patients payent déjà le prix des coupes budgétaires. « De nombreuses opérations couvertes par la santé publique sont en baisse, et les listes d’attente s’allongent. Ça me fait honte. Avec la baisse du nombre d’infirmières dans le pays, il va devenir de plus en plus difficile de répondre correctement aux besoins des patients. »

Le risque, c’est de fragiliser davantage les plus vulnérables. Tina*, qui travaille comme interprète haïtienne dans les hôpitaux et les cliniques, est convaincue qu’avec les coupes budgétaires, « les patients vont être forcés de se tourner vers le secteur privé. Et s’ils n’ont pas les moyens, ils souffriront jusqu’à la mort. »

Les « cuts » ont en revanche fait un heureux aux abords de l’hôpital. Diresh Raja, qui tient depuis vingt-cinq ans une boutique de vitamines, plantes et médicaments sans ordonnance, dit avoir augmenté ses ventes de 35 % cette année. « Je vois de nouvelles têtes arriver. Les gens cherchent déjà des alternatives et se tournent vers la médecine préventive. C’est bon pour mon business », sourit-il. « Dans cinq à dix ans, la santé sera privatisée », assure-t-il. Le rêve des cliniques. Le cauchemar de millions de patients.

*Le prénom a été changé.

20minutes.fr

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