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Tribune libre de Paysan Savoyard

Poursuivant notre bilan thématique du quinquennat, nous examinerons aujourd’hui l’action du gouvernement de M. Sarkozy pour ce qui concerne le fonctionnement de l’État et l’évolution de son rôle.

Le gouvernement de M. Sarkozy a décidé en 2008 de réduire les effectifs de la fonction publique, en ne remplaçant qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Près de 150 000 emplois auront ainsi été supprimés entre 2008 et 2012. Cette réduction n’est pas en soi scandaleuse dans un contexte de déficit budgétaire, les effectifs de la fonction publique ayant fortement augmenté ces dernières décennies. Mais la politique de réduction ne touche que la fonction publique de l’État.

Or c’est avant tout le nombre des fonctionnaires locaux qui s’est accru : les effectifs de la fonction publique territoriale ont augmenté de 56 % depuis 1990, contre seulement 4 % pour la fonction publique d’État (sachant que l’augmentation des effectifs territoriaux ne résulte que très partiellement des transferts de compétences effectués dans le cadre de la décentralisation). Les effectifs territoriaux ne sont pourtant pas touchés par la politique de réduction.

Signalons que dans plusieurs secteurs ministériels les réductions opérées sont particulièrement malvenues. C’est ainsi que 12 000 emplois ont été supprimés dans la police nationale et la gendarmerie entre 2007 et 2012 (les effectifs de la police nationale sont passés de 149 965 à 143 714 et ceux de la gendarmerie de 102 101 à 95 883).»

Relevons ce détail amusant. Le ministère de l’intérieur a « oublié » d’actualiser la rubrique « évolution des effectifs actifs de la police nationale » de son site internet, la dernière actualisation datant de 2003.

Le gouvernement de M. Sarkozy a poursuivi d’autre part la politique de vente du patrimoine immobilier de l’État conduite depuis 2004. Sont mises en vente les casernes vidées par la réduction considérable du format des forces armées, les emprises SNCF désertées en raison de la quasi disparition du transport ferroviaire de marchandises, ou encore les maisons forestières des forêts domaniales. Le gouvernement Sarkozy a également procédé dans une perspective de rationalisation et de réduction des dépenses à la fermeture de tribunaux de province. Ces fermetures permettront peut-être une réduction des coûts : elles accélèreront en revanche le mouvement de déclin de nombreuses villes moyennes.

Les ventes concernent également des hôtels particuliers historiques du centre de Paris dans lesquels étaient installés des ministères, les administrations étant désormais localisées dans des arrondissements moins coûteux ou en proche banlieue (par exemple la presse a fait état du projet de vente à des amis du président de l’hôtel du 18e siècle situé place dela Concorde abritant l’état major de la marine nationale, pour le transformer en hôtel de luxe ; l’opération est pour l’instant suspendue en raison de la polémique qu’elle a suscitée). Si elle permet d’alléger la charge pesant sur le contribuable, la politique de déménagement des administrations peut être jugée légitime. Il reste qu’elle symbolise la perte de dignité et l’abaissement de son statut que subit l’État depuis des décennies.

De façon générale la politique de cession immobilière pourrait être favorablement considérée si le produit de la vente du patrimoine était consacré au désendettement de l’État : or ce n’est le cas que de façon marginale. La part des produits de cessions immobilières consacrée au désendettement n’est que de 15 %, le reste venant abonder le pot commun des recettes : l’État se sépare donc d’une partie de son patrimoine pour financer ses dépenses courantes (et ce sans même parvenir à réduire son déficit).

Le mouvement est appelé à se poursuivre : en mai 2010 le gouvernement a indiqué que les ventes immobilières avaient rapporté 3 milliards depuis 2005 et que 1 700 ventes étaient prévues dans les trois prochaines années.

Le mouvement de privatisation d’entreprises n’a pas donné lieu à de grandes opérations sous le mandat de M. Sarkozy. Et pour cause : elles ont été tellement massives ces dernières décennies qu’il ne reste plus grand-chose à privatiser. Signalons cependant que la part de l’État dans le capital d’EDF a été légèrement réduite (mais reste pour l’instant supérieure à 80%). Dans le même registre, une loi entrée en vigueur en mars 2010 a transformé la Poste en une société anonyme. Cette loi prévoit que l’État doit conserver la majorité du capital : on peut cependant penser que le changement de statut rend une éventuelle privatisation future désormais plus aisée. Enfin l’Etat a annoncé en mars 2011 qu’il allait vendre plusieurs aéroports de province, dont il détient jusqu’à présent la majorité du capital.

Conduites à partir de 1986, les privatisations ont d’ores et déjà rapporté semble-t-il (les évaluations fluctuant selon les sources) près de 300 milliards au total (le record des recettes tirées des privatisations appartenant au gouvernement de M. Jospin (!). Parmi les privatisations récentes les plus marquantes, signalons celle des autoroutes, réalisée sous le second quinquennat de M. Chirac. Plusieurs spécialistes des finances publiques avaient à l’époque dénoncé cette privatisation, en faisant valoir que, les investissements principaux ayant été réalisés et amortis, l’exploitation des autoroutes dégageait désormais d’importants bénéfices, dont l’État a décidé de se priver.

Toutes ces évolutions prolongent le mouvement général engagé depuis une trentaine d’années : l’État est attaqué, dans ses différentes missions et dans sa légitimité même. Il est attaqué d’en haut par l’Europe, d’en bas par la décentralisation, et en son centre même par le processus de privatisation et par le démantèlement des régulations économiques et sociales qui visaient à limiter et à encadrer le jeu de l’économie de marché.

Pour notre part nous estimons que l’État, garant naturel de l’intérêt général, doit être restauré dans son rôle d’encadrement de l’économie, d’impulsion et de planification : la réaffirmation du rôle de l’État et le rétablissement de ses moyens d’intervention nous paraît être la condition d’une prise en compte des préoccupations de long terme, par exemple en matière d’emploi, d’environnement et d’occupation de l’espace.

La restauration d’un État stratège et protecteur passe par différentes mesures que nous ne pouvons ici développer. Elle suppose sans doute la nationalisation de certains secteurs-clés (notamment celle d’une partie du secteur bancaire) ainsi que le rétablissement de règles d’encadrement de l’économie, mettant fin à la période de dérégulation libérale ouverte au début des années quatre-vingt. Elle implique de revenir sur les délégations de souveraineté consenties illégitimement depuis trente ans au profit des organes non élus de l’union européenne. Elle impose également d’encadrer davantage l’action des collectivités décentralisées.

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Le dossier de la décentralisation, est en effet directement lié à la question du rôle et de la place de l’État.

M. Sarkozy avait annoncé son intention de rationaliser la structure de l’administration décentralisée, qui comprend un nombre de strates manifestement excessif (communes, groupements de communes, départements, régions). Cet empilement aboutit à un enchevêtrement et à une opacité des compétences ainsi qu’à un gâchis de dépenses (C’est ainsi par exemple que les différents niveaux d’administration locale s’occupent tous de l’enseignement scolaire ; de même communes, départements et régions sont tous également compétents pour distribuer des subventions aux associations, la multiplication des guichets constituant pour celles-ci une aubaine).

Le grand chantier de simplification, annoncé à grands renforts de déclarations définitives, a en réalité conduit seulement à une réforme minimale consistant à fusionner les fonctions de conseiller général et régional dans un nouveau mandat de conseiller territorial, en réduisant à la marge le nombre total des élus. Ce faisant la réforme ne s’attaque à aucun des défauts majeurs de la décentralisation : gâchis de dépenses, augmentation continue de la pression fiscale, absence de contrôle véritable sur les collectivités, opacité et redondance des structures, corruption et clientélisme, distribution d’emplois dans la fonction publique territoriale, propension des élus à bétonner et à lotir pour s’assurer de nouveaux électeurs et de nouveaux clients…

Nous sommes favorables pour ce qui nous concerne à une profonde réforme de la décentralisation, passant en premier lieu par la suppression d’un des niveaux d’administration locale. Le mieux sans doute serait de supprimer l’échelon intermédiaire qu’est le département, trop gros pour les compétences de proximité, trop petit pour les politiques à vocation structurelle. La redistribution de ses compétences entre les communes et les régions permettrait notamment de clarifier les responsabilités et d’alléger les coûts de structures.

Terminons d’un mot sur le bilan de M. Sarkozy. Dans ce domaine de l’action et de la place de l’État, la conclusion sera identique à celle dégagée à propos des précédents secteurs examinés. Beaucoup de bruit, beaucoup de discours, des déclarations résolues sur les ruptures promises… et finalement pas de réforme majeure, celles-ci ayant de toute façon déjà été opérées de longue date (décentralisation, privatisations, dérégulation…) : le gouvernement de M. Sarkozy s’est contenté de poursuivre sans anicroche les politiques et les évolutions libérales engagées depuis des décennies.

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