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Les banques prétendent ne pas avoir besoin d’être recapitalisées. Mais qui les croit encore aujourd’hui ? Cadre dans une grande banque internationale, Franck Margain donne quelques pistes pour que le secteur banquier se rapproche un peu plus des citoyens.

Le discrédit des banques ne date pas d’hier, il est historique, exemples littéraires à l’appui. « Fenus pecuniae, funus est animae », « le profit usuraire de l’argent entraine la mort de l’âme », la formule employée par le Pape Léon le Grand au Vème siècle donne le ton. Quant à Dante, il réserve une place de choix à la banque : l’Enfer.

Cette malédiction initiale de la banque est restée ancrée dans l’âme de la population, d’autant plus avec les crises à répétition depuis le Krach de 1929. Tout ce qui est lié à la finance et l’usure – au sens financier du terme – a donc toujours été associé, dans la conscience populaire, au mal.

Aujourd’hui, la crédibilité des banques est de nouveau mise à l’épreuve, du fait notamment des prêts considérables accordés à des acteurs économiques qui n’auraient pas dû en bénéficier. Il est notamment question des subprimes, et des banques américaines ayant revendu des portefeuilles de prêts à un très grand nombre de banques extérieures aux États-Unis – qui se sont par la suite retrouvées dans une situation fragilisée – comme des prêts aux États souverains peu scrupuleux en matière de transparence de leurs comptes publics, qui ont entraîné le système bancaire dans une fuite en avant.

Or, le métier de la banque est de prêter de l’argent à ceux qui en ont besoin en plaçant l’argent de ceux qui en ont. En définitive, il s’agit de mettre en relation les agents économiques, autour de la thématique de l’argent. Reste qu’il ne peut être nié que des erreurs ont été commises, notamment dans les placements opérés. Toutes les banques ne sont cependant pas à blâmer, certaines ont été plus prudentes et ont su arrêter à temps la spirale infernale. Elles bénéficient aujourd’hui d’une stabilité financière très enviée.

Une banque déshumanisée

Par un souci de rentabilité exacerbé, les agences bancaires ont été déshumanisées. Équipées de moyens informatiques dernier cri, elles ont progressivement délaissé le conseiller de clientèle, le chargé de compte. Le lien social entre le monde bancaire et le particulier s’est étiolé.

Ainsi, lorsque des banques traversent des difficultés en période de crise financière, l’agent du guichet ne peut plus rassurer ses clients. Le contact du particulier à son agence a été effacé. La clientèle d’une banque se retrouve ainsi plus ou moins livrée à elle-même, seule face à un flux d’informations qu’elle ne comprend pas systématiquement.

Un réseau d’agences bancaires trop dense

Le réseau bancaire d’aujourd’hui, en France, comme en Europe et aux États-Unis, fait état d’un taux de « bancarisation » très élevé. Autrement dit, pour répondre à la démultiplication des titulaires de comptes bancaires, le nombre d’agences bancaires s’est notoirement élevé. Le réseau d’agences bancaires se révèle donc particulièrement dense, mais paradoxalement très coûteux. Parallèlement à la convergence du réseau bancaire, il faudra donc diminuer progressivement le nombre d’agences.

Une corporation bancaire sans discernement

Le mot crise renvoie étymologiquement au « jugement ». Dans la crise, les banques ont perdu ce « jugement », comme en témoignent les mouvements financiers des subprimes qui ont mobilisé des acteurs qui n’étaient pas des clients directs des banques. D’où un sentiment d’incompréhension de la part d’un grand nombre d’épargnants, qui se sont sentis délaissés, comme n’étant plus la cible privilégiée de leur agence bancaire. Il faut donc que les banques retrouvent le sens du « discernement ». A savoir, pour qui sont-elles supposées faire des affaires ? Dans quel intérêt ? Et quel en est le sens ?

Le système bancaire souffre d’une perte de sens de « l’économie », puisqu’il ne devrait pas être question de l’art de s’enrichir, mais de « bien administrer » sa maison, de répondre aux besoins des particuliers et des acteurs privés.

Le système bancaire ne favorise plus la « banque locale »

Les banques ont été trop loin dans la mondialisation, en s’occupant de grandes affaires internationales plus profitables, elles en ont oublié de faire de la « banque locale ». Il serait certainement utile d’identifier séparément – pour une meilleure compréhension de la clientèle – la banque de détail et celle d’investissement, même si une même banque peut exercer ces deux activités. La faillite de Lehman Brothers (investissement) comme celle de Northern Rock (dépôt) prouve qu’une banque qui n’exerce qu’une seule activité (dépôt ou investissement) n’est pas à l’abri d’un faux pas. La séparation des banques d’investissement et de dépôt serait un mauvais remède.

Le bon réflexe serait de gagner en crédibilité par la mise en scène d’une banque de détail se préoccupant de prêter localement, de sorte que les clients puissent retrouver confiance dans le système bancaire. Dans cette mouvance, les banques retrouveront leur capacité à exercer de nouveau leur métier de banque, c’est à dire s’intéresser aux PME (petites et moyennes entreprises), aux artisans, aux TPE (très petites entreprises)… Et favoriser entreprenariat local.

Nous souffrons d’un monde terriblement biaisé, qui vit dans un prisme où seules comptent les entreprises du CAC 40, alors que ces dernières peuvent faire librement appel aux banques d’investissement. Les banques ne doivent pas oublier les acteurs économiques de premier choix que sont les PME et TPE, qui représentent 80% de l’emploi et 60% de la richesse nationale. La banque doit à nouveau alimenter le prêt au tissu économique local.

L’économie mutualiste toujours à la traîne

Ensuite, renforcer l’économie mutualiste reste une idée à creuser, puisqu’aucun parti politique n’a encore évoqué cette éventualité. Or, la banque mutualiste permet l’alignement des intérêts de tous, du client, de l’entreprise et des propriétaires. En effet, dans l’économie mutualiste, il n’y a pas d’actionnaires des banques mais seulement des sociétaires. Ces derniers composent le Conseil d’Administration d’une banque, tout en étant clients de celle-ci.

L’alignement, entre l’intérêt à long terme de l’entreprise et celui du client, est donc immédiat. Il en résulte un enrichissement commun au profit de la Société, c’est à dire de l’acteur économique de la banque et de ses employés, qui sont également des clients.

Dexia ou l’exemple à ne pas suivre

Dexia résume l’exemple d’une mauvaise gestion, où seul primait le taux usuraire, c’est à dire les profits obtenus en vendant des produits de financement opaques aux collectivités locales. En définitive, Dexia n’a pas fait preuve de « discernement », puisqu’elle a gonflé son  bilan d’une manière si importante qu’elle en a oublié le peu de dépôts dont elle disposait. Un volume financier plus que mince, puisque Dexia n’avait établi des banques de dépôt qu’en Belgique et en Turquie. Sur la scène internationale, Dexia était donc un très gros pourvoyeur de financements aux collectivités locales, alors qu’elle n’avait pas accès à la liquidité puisqu’elle avait très peu de dépôts. Dexia s’est fourvoyée, et n’a pas pu continuer son activité.

Concernant son démantèlement, il faut protéger les épargnants, d’où l’intervention de l’État belge qui protège les agences et l’épargne des particuliers. Les portefeuilles de prêts aux collectivités locales vont être financés par des aides étatiques afin que les collectivités locales puissent continuer à vivre. L’État poursuit ainsi son rôle d’accompagnement dans la crise.

Ces propositions sont essentielles pour que les banques retrouvent une certaine crédibilité. Elles devront être portées au cœur de la campagne présidentielle.

Atlantico

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