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Le rapport « Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2011 », dévoilé jeudi, alerte sur la situation des 15-24 ans, dont le taux de chômage atteignait 17,3% dans la zone OCDE, au premier trimestre. En France et ailleurs, les études et rapports se succèdent, et pointent tous que les jeunes font partie des grandes victimes de la crise.

En France, le taux de chômage avoisine les 23%, tandis qu’en Grèce les chiffres dévoilés jeudi par l’Autorité des statistiques grecques font état d’un taux de chômage des 15-29 ans de 32,9% au deuxième trimestre, contre 22,8% un an plus tôt. Au dernier trimestre 2010, ce groupe représentait 12,6% des jeunes de 15 à 24 ans dans les trente pays de l’OCDE pour lesquels l’organisation dispose de données, contre 10,6% en 2008. Au total, cela correspond à 22,3 millions de jeunes, soit 14,6 millions d’inactifs non scolarisés et 7,7 millions de chômeurs. Plus inquiétant encore, le phénomène du « déclassement“, bien connu en France, gangrène à son tour la planète.

Partout dans le monde, la jeunesse peine à trouver sa place sur le marché du travail. Aujourd’hui, les « Neet » , « neither in employment nor in education or training » (« ni dans l’emploi, ni dans le système éducatif ou en formation » ), ne sont plus des exceptions. « Ils constituent une catégorie fortement exposée au risque de marginalisation et d’exclusion, risque qui augmente proportionnellement au temps passé en dehors du monde du travail » , analyse John Martin, directeur de l’emploi à l’OCDE.

« Jusqu’à présent, on a vécu avec le constat que, face à la crise, il vaut mieux être diplômé que pas du tout. Mais le malheur des sans-diplôme ne fait plus le bonheur des diplômés qui subissent à leur tour la dégradation générale de la situation », souligne le sociologue Louis Chauvel. Il poursuit : « on détecte l’émergence d’une génération limbo (se prononce comme bimbo, Ndlr) une génération des limbes de graduates de colleges qui ne trouvent pas d’autre job que celui de bar manager ou de McDo specialists… Une génération sacrifiée qui, faute d’emplois décents à la sortie de l’université, va former une masse de travailleurs qualifiés frustrés. »

Les jeunes, des précaires à temps plein

La crise favorise l’émergence d’une nouvelle classe sociale, composée de jeunes sans perspective d’emploi correct et d’une vie décente. Nous assistons à la naissance de ce que les sociologues nomment le « précariat », ainsi que l’affirme Guy Standing, professeur d’intelligence économique à l’Université de Bath et auteur du livre « The Precariat: The New Dangerous Class » (Le précariat, la nouvelle classe dangereuse).

Le pacte avec le diable

Depuis 20 ans, les gouvernements occidentaux ont réussi à cacher la précarisation de classes moyennes. Les États-Unis et le Royaume-Uni subventionnent les plus bas salaires par le biais du système fiscal. Le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas ont orienté leur politique sociale vers un système d’encouragement du retour à l’emploi, pour alléger à tout prix les statistiques du chômage. En France, en Italie et en Espagne, l’État assiste indirectement ses jeunes en versant des retraites aux parents, lesquels entretiennent leurs enfants au chômage. Les gouvernements des pays développés ont conclu un pacte avec le diable. Ce système ne pouvait pas tenir éternellement. Et il vient de lâcher.

La crise financière a fait planer sur l’Europe la menace de la faillite des États et les gouvernements ne peuvent tout simplement plus se permettre de dissimuler le précariat à coup d’aides financières. Dans le même temps, la récession de 2009 a fait exploser les chiffres du chômage et a entraîné une nouvelle vague de précarisation. 97% des emplois créés l’an dernier au Royaume-Uni sont des contrats de travail temporaire. En Allemagne, près de la moitié des nouveaux emplois sont à durée déterminée, sans oublier les 7 millions personnes qui font des « McJobs » payés moins de 400 euros par mois. Au Portugal, 300 000 personnes exercent à temps partiel. En France, 20% des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté.

L’eau au moulin des extrémistes

Selon Guy Standing, le précariat européen est composé de trois groupes. Le premier, assimilable au lumpenprolétariat industriel, est une minorité souvent criminalisée, encline à la violence, telle qu’elle s’est déchaînée il y a quelques semaines dans les rues de Londres. Le deuxième groupe est celui des jeunes instruits, prédisposés à avoir un travail, mais qui, dans la situation actuelle, ne voient plus de possibilité de s’en sortir, tout en continuant à rêver d’un monde meilleur. Ces jeunes-là sont sortis en mai dans les rues de Madrid.

Mais plus important est le troisième groupe, constitué de travailleurs plus âgés : au fil des années, ils ont perdu sécurité matérielle et statut social, se retrouvent marginalisés, et en imputent la responsabilité aux étrangers.

Cette population est un véritable pain béni pour les partis extrémistes et un vrai danger pour l’actuel modèle de société, met en garde l’économiste. Si le précariat représente une menace pour l’Europe, ce n’est pas sous la forme d’émeutes, même si elles se feront certainement plus nombreuses dans les prochaines années. Le véritable danger, c’est justement la montée en puissance des populistes anti-immigrés et anti-européens, soutenus par une part croissante de la population.  Sur le dos du précariat âgé prospèrent Marine Le Pen en France, Geert Wilders aux Pays-Bas, les « Vrais Finlandais » en Finlande et les « Démocrates de Suède ». Quant au précariat jeune, son éventuelle politisation aboutira plus vraisemblablement à une alliance avec l’extrême gauche, avec des mouvements anarchistes ou néo-communistes.

Face à ce phénomène social menaçant, force est de constater que les gouvernements n’ont pas trouvé de réponse à la hauteur du problème. Cela ne présage rien de bon pour l’Europe. Compte tenu de la faiblesse des dirigeants européens face à la crise économique, il est difficile de penser qu’ils seront plus opérationnels face à l’imminente crise sociale. Il ne s’agira plus alors des intérêts nationaux, mais des intérêts générationnels : les conflits se joueront sur le plan intérieur entre les jeunes et les vieux. Aujourd’hui, les élites politiques vieillissantes de l’Europe défendent avant tout les intérêts de leur propre génération, ce qui ne fait qu’aggraver la frustration des jeunes chômeurs

La Tribune et Press Europ

(Merci à Léonidas et à Erwinn)

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