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«La région a été transformée en poudrière.» Mohamed Bazoum le dit sans détour. Hier à la conférence internationale d’Alger sur la sécurité dans les pays du Sahel, le chef de la diplomatie nigérienne a martelé que la chute de Muammar Kadhafi risque d’avoir des conséquences désastreuses pour les populations du Sahel, déjà otages des djihadistes, des contrebandiers en tout genre et frappées par la misère. Désastreuses aussi, évidemment, pour la sécurité des pays environnants.

Le Niger n’a pourtant aucune sympathie pour l’ancien «Guide» libyen. Niamey a déjà reconnu le Conseil national de transition (CNT), désormais aux commandes à Tripoli. Mais ce voisin du sud sait combien sa frontière est poreuse. Il craint le retour en masse de miliciens, que ce soient les Touaregs qui ont longtemps combattu dans la Légion islamique de Kadhafi, ou des mercenaires qui lui ont prêté main-forte ces derniers mois. Sans parler de la fuite des loyalistes libyens…

Trafic d’armes en hausse

Inquiétude partagée à Bamako. «Quelque 20 000 travailleurs maliens sont déjà revenus et maintenant, c’est la seconde vague avec ceux qui étaient impliqués dans les combats et qui reviennent avec des armes», enchaîne le ministre des Affaires étrangères, Soumeylou Boubeye Maïga.

Un boom du trafic d’armes, voilà bien ce que craint l’Algérie, régulièrement frappée par des attentats. Le dernier en date, le 26 août près d’Alger, a fait 18 morts à l’académie militaire de Cherchell. Le pays ne veut surtout pas que des groupes comme Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) bénéficient de cette nouvelle donne régionale. Or, «pour les terroristes islamistes, récupérer ces armes est une priorité», estimait hier sur RFI François Géré, président de l’Institut français d’analyse stratégique. «Kadhafi disposait d’armes de très bonne qualité: des missiles sol-air, des missiles portables. C’est une menace très grave.»

Vide sécuritaire

La circulation des armes a augmenté, confirme d’ailleurs Mohamed Bazoum. «Des armes de petit calibre, mais on a aussi saisi en juin au Niger 500 kg de Semtex, un explosif très puissant. Il n’est pas impossible qu’il y ait eu davantage d’explosifs et éventuellement des missiles sol-air.»

«Il faut bien reconnaître que la chute de Kadhafi crée un vide sécuritaire au Sahel», note Hasni Abidi, qui dirige à Genève le Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam). «Les services libyens collaboraient efficacement avec les Occidentaux et l’Algérie. Le «Guide» libyen était un partenaire difficile à gérer, certes, mais un allié précieux, car il avait acheté la loyauté des Touaregs et des tribus du désert. Il avait des informations de première main. A Tripoli, le CNT va avoir du mal à mettre sur pied un service de renseignement de la même trempe. A moins de réhabiliter d’anciens agents. Mais ceux-ci avaient traqué des islamistes qui sont aujourd’hui membres du nouveau pouvoir. Comme l’islamiste Abdelhakim Belhaj, fondateur du Groupe islamique combattant (GIC) soupçonné de liens avec Al-Qaida.»

Bref, le Sahel n’en a pas fini d’être un gigantesque sanctuaire des hors-la-loi. Preneurs d’otages, terroristes, trafiquants de drogue, d’armes et d’être humains (les passeurs d’immigrés clandestins) ont de beaux jours devant eux.

24 heures.ch

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