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Par Patrick Reymond

Sur Oil drum est paru un article, reprenant un constat de Sénèque (1er siècle après JC), disant que le déclin était plus rapide que la construction d’un empire, et d’une structure.

Dans ce cas de figure, l’empire romain est emblématique. Rome fut fondé en -753, eut son apogée en 117, et cessa d’exister en 476, soit 1.226 années, la construction s’étendant sur 870 ans et le déclin, sur 359 années.

Bien sûr, Sénèque ne vécut même pas la période de décadence, mais sentait probablement par ses liens avec le pouvoir, le plafonnement de la puissance, le plateau en “tôle ondulée”, qui caractérise le premier siècle de notre ère pour l’empire romain, avec la force militaire qui permet encore de conquérir quelques contrées, mais n’arrive plus à conclure définitivement les guerres sur ses pourtours, calédoniens, germains, est-européens et africains.

Seule, finalement, la frontière Sassanide resta compréhensible pour l’empire. Car là, il faisait face aussi à un autre empire, empire qui finit un peu plus tard, mais en une seule bataille.

Le progrès technique nous met-il à l’abri de cette falaise ? Certainement pas. Tout dépend de savoir à quoi est utilisé ce progrès.

On défonce les montagnes des Appalaches pour récupérer 100 % du charbon, au lieu de 60 % pour un gisement exploité classiquement, tout cela pour : … produire de l’électricité, destinée à climatiser, ou à chauffer…

Soit un gigantesque gaspillage, destiné à un confort petit bourgeois dont on s’est passé pendant des siècles et dont l’utilité est pour le moins sujette à caution. On ne veut pas polluer en se chauffant directement au charbon, on préfère en brûler 4 fois plus en prenant comme intermédiaire l’électricité si “propre”.

Sans doute Sénèque n’avait-il pas toutes les documentations nécessaires à comprendre les chutes de civilisation. On a deux mille années de recul, et on a assisté à des effondrements fabuleux, suivi par des reconstructions laborieuses et lointaines.

On dit que l’urbanisation a dévoré 117.000 km² en France. Ceux qui s’en alarment peuvent se rassurer, là aussi, on va certainement arriver à une apogée, suivie d’une chute rapide.

C’est d’ailleurs déjà le cas, avec des quartiers qui évoluent vite, mais évolueront encore plus vite.

Le progrès technique va accélérer la chute, en permettant à des comportements idiots et gaspilleurs de perdurer.

La fanfreluche est considéré comme “vitale”, parce qu’on est habitué à avoir, sans cesse, toujours plus d’énergie bon marché.

Notre société est bâtie sur le pétrole. Point. Il est de plus en plus coûteux et difficile à exploiter. Pour extraire 100 barils en 1865, il suffisait d’un puisatier avec des moyens classiques, et du matériel en bois. Il ne fallait même pas dépenser 1 baril pour en extraire 100.

On en est loin désormais.

Rosneft va faire bénéficier Exxon de son expérience du forage profond (sans doute une conséquence de Deepwater Horizon).

C’est celui qui coûte le plus cher, en argent et en énergie.

Les révolutions arabes ont été engendrées par une conséquence de la crise pétrolière : la crise alimentaire.

Comme il n’était pas “moderne” d’avoir une agriculture vivrière, voir jardinière, on était totalement dépendant du “marché”, qui a décrété qu’il fallait augmenter les prix.

En France, il faut voir les débilités qu’on nous sort sur la sécheresse :

Ce progrès technique est dû en partie à la bonne santé de notre système civique, à la liberté politique et économique qui règne chez nous. La démocratie est l’élément indispensable du développement économique. La démocratie ne consiste pas seulement à élire des représentants du peuple, mais aussi à établir une société de confiance, de respect et de recherche du bien commun, facteurs indispensables au progrès technique et économique“.

On glorifie le système de ce qui n’est qu’une conséquence de la géologie. Je serais curieux de voir l’état de l’agriculture française sans, ou simplement avec un peu moins de pétrole. Sans doute sera-t-il le dernier secteur préservé dans l’accès aux ressources.

Ce qui est frappant, c’est que nos responsables ne comprennent pas :

– qu’une crise est le passage d’un monde à l’autre,

– que l’on doit cesser de prendre les mesures du passé récent comme un horizon indépassable. M. Valls veut des quotas d’immigration. Il fait preuve d’un manque d’imagination absolument fabuleux pour l’avenir.

Dans l’échelle de la paumitude, les partis politiques ont atteint le “AAA”.

L’explosion en chaîne des pays, avec un retour en force du local et une fragmentation, nous indique ce que sera l’avenir.

Bientôt, les famines en chaîne vont entraîner des hécatombes. Elles concerneront d’abord les pays du Tiers monde, puis se rapprocheront. Les derniers à tenir seront ceux qui disposeront du pétrole et de la nourriture, ou qui pourront troquer l’un pour l’autre.

On voit mieux la cause de la Guerre de Libye, désormais. Nico voulait se tailler la part du lion.

Depuis 2.000 ans, des baisses de populations de 50 % sont courantes, les plus grandes crises ont atteint 90 %, voir 98 %.

Le plus grave à signaler a été l’adaptation de la population (ou plutôt la désadaptation) à une facilité de ravitaillement inouïe et son acculturation alimentaire ; de ceux qui sont devenus des rats urbains.

La fin de l’Union soviétique a été, comme je l’ai dit, la fin d’une économie ayant atteint son pic pétrolier.

Ça n’a rien à voir avec une quelconque infériorité d’un modèle. En purgeant le système de ses aberrations militaires et de ses gaspillages, la situation a été stabilisée, au prix de millions de morts.

Mais ce qui caractérise la crise actuelle, c’est que c’est le coeur de système qui est atteint, et donc la planète entière qui va tanguer.

La fin d’une société risque de signifier aussi une fin encore plus rapide, s’il n’y a plus d’investissements. Les gisements en déshérence, les capacités en fin ne seront plus compensées, même mal, par d’autres capacités. La fin sera plus abrupte. On voit d’ailleurs dans les projections de populations, une baisse en 2100, au niveau de 1950, soit 2,5 milliards, impossible à atteindre avec simplement un effondrement rapide de la natalité à un indice de fécondité de 1.

On ne meurt pas de faim sans combattre, et les combats pour la faim sont sans pitié et à mort. J’ai dit que la renaissance des sols prendrait 2 siècles. Pas tellement pour absorber la fin d’une économie pétrolière, mais pour recréer une société rurale équilibrée.

Mais, même 4 ans, c’est encore trop. On ne vit pas 4 ans sans bouffer. L’avenir d’ailleurs ne sera même pas à Mad Max. Il faudrait des stocks, au moins de munitions, pour ça. Et l’économie actuelle a en horreur le stock.

Le zéro stock était déjà une stupidité sans nom, une japoniaiserie. Ce sera bientôt un crime, et les famines actuelles, c’est surtout l’impossibilité, depuis la grande famine de 2008, de reconstituer les stocks…

Oui, la falaise de Sénèque risque d’être très abrupte, d’abord à cause des politiques, mais aussi à cause de la suradaptation des populations, et de leur myopie.

La Chute

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