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Addendum vidéo du 30/08/2011

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Laurence Parisot a dénoncé une “orchestration” outre-Atlantique des difficultés européennes. Fantasme ou réalité ?

Les patrons des grandes banques américaines devant la commission d'enquête du Congrès sur les origines de la crise financière (2010)

Quelle mouche a piqué Laurence Parisot ? À l’écouter, la panique financière qui a secoué la France et l’Europe entière en août a été organisée… depuis New York. Après la dégradation de la note des États-Unis par l’agence de notation – américaine – Standard & Poor’s, “les Américains ont sans doute voulu […] repasser le mistigri à l’Europe. On a assisté à une sorte de guerre psychologique et à une tentative de déstabilisation de la zone euro. Les marchés ont surréagi, étant par nature très sensibles aux rumeurs, même organisées“, lâche la présidente du Medef, dans une interview au Figaro.

En cause notamment, la presse financière outre-Atlantique : “Quand des publications américaines très lues par les investisseurs et les analystes financiers titrent sur de fausses annonces dramatiques, des questions se posent“, fulmine Laurence Parisot.

On a voulu tester la résistance française“(Jean-Pierre Jouyet)

Le cas de la Société générale semble lui donner raison. Mercredi 10 août, le cours de la banque française s’effondre de 14,74 % à la clôture, après que le journal britannique Mail on Sunday – pourtant plus connu pour ses photos de stars que pour ses informations financières – a affirmé que la banque de Frédéric Oudéa se trouvait “au bord du désastre“. Peu importe que l’article, publié le dimanche précédent, ait été infirmé sur le site internet du journal le matin même. Le mal est fait. La Société générale entraîne dans sa chute l’ensemble des banques françaises.

D’autant qu’une autre rumeur circule simultanément dans les salles de marchés : la note française serait sur le point d’être dégradée… “On a voulu tester la résistance française“, déplore le lendemain le président de l’Autorité des marchés financiers (AMF) Jean-Pierre Jouyet, le gendarme boursier français. Au point d’ouvrir une enquête à la demande de la Société générale sur les rumeurs qui ont touché l’établissement.

Les attaques vont jusqu’à toucher l’Allemagne. La semaine dernière, sa note AAA, pourtant considérée comme une des plus solides, a publiquement été questionnée par un responsable d’un fonds anglo-saxon.

Le marché “spéculatif” des CDS

Pour Édouard Tétreau*, associé gérant chez Mediafin, une société de conseil des organisations, il ne fait aucun doute qu'”il y a eu des attaques spéculatives assez bien organisées provenant de fonds d’investissements, contre les banques européennes, contre la zone euro“. Pour Cyril Regnat, stratégiste taux chez Natixis, le marché des CDS, ces titres d’assurances censés permettre aux investisseurs de se couvrir contre un risque de défaut souverain, est particulièrement propice à cette pratique. Sa petite taille permet à peu d’acteurs de faire varier les cours plus facilement que sur le marché des obligations d’État. Les volumes traités y sont 500 fois moins importants.

Dernièrement, les CDS français ont explosé de 80 à 165 points de base, ce qui devrait refléter la crainte de voir l’État français ne pas rembourser sa dette. Mais l’évolution du marché obligataire français suggère que ce mouvement est largement artificiel : devant l’incertitude sur les marchés actions, les investisseurs n’ont même jamais autant acheté de titres d’État français ! Faut-il voir dans cette aberration le résultat de la spéculation américaine ? Difficile à dire, mais “plus de la moitié des dealers de CDS sont des banques anglo-saxonnes“, assure Cyril Regnat.

Pour Philippe Dessertine, directeur de l’Institut de haute finance à l’Institut français de gestion, il y a effectivement “beaucoup de fonds anglo-saxons qui spéculent sur la dette française, mais objectivement ils ont raison“. En cause, les fondamentaux économiques de l’Hexagone et le manque de volontarisme du gouvernement dans la réduction des déficits publics. Mais les fonds et autres firmes financières sont loin “d’être organisés entre eux pour s’attaquer à certains États ou certaines banques“, précise-t-il.

Tentation de “chercher des boucs émissaires” (Philippe Dessertine)

La sortie de Laurence Parisot reflète donc la tentation française “de chercher des boucs émissaires et de détourner la responsabilité des dirigeants publics et privés dans la crise“. “C’est très, très dangereux d’aller vers cette idée d’une presse économique anglo-saxonne qui serait à la solde d’une logique politique, c’est absolument faux […]. C’est une des rares à donner les bonnes informations.” Et si ces dernières sont parfois à l’origine de mouvements brutaux sur le marché, c’est notamment parce que les banques “souffrent d’un manque de transparence“.

Philippe Dessertine appuie là où ça fait mal : les derniers stress tests européens, censés rassurer sur leur état de santé, n’ont même pas envisagé le scénario d’un défaut partiel de la Grèce, pourtant devenu réalité quelques jours plus tard, rappelle-t-il. Édouard Tétreau confirme : “La spéculation est d’autant plus forte qu’en face les États ou les autorités de régulation sont faibles. Elle se nourrit légitimement des problèmes de gouvernance européenne.

L’obsession de l’élite économique américaine

Dans un livre intitulé “20 000 milliards de dollars”, paru en octobre 2010, Édouard Tétreau ne s’en prend pas moins à “l’obsession de l’élite économique américaine d’accabler l’Europe de tous les maux […]“. Il raconte notamment comment, fin mai 2010, juste après le premier sauvetage de la Grèce, le banquier “keynote speaker” [l’intervenant le plus important] “tire à vue sur les économies européennes” sans aucun discernement, au cours d’une réunion du gratin de la finance américaine à New York.

Alan Greenspan, ancien directeur de la Banque centrale américaine, illustre parfaitement cette tendance. Lors d’un forum à Washington le 23 août dernier, il a affirmé que l’Europe était responsable du ralentissement de la croissance aux États-Unis, à cause de “l’incertitude” provoquée par la crise de la dette souveraine. Selon “l’ex-oracle des marchés“, l’euro est en train de se décomposer.

On peut douter que les Américains souhaitent une sortie par le haut. Ils n’ont en tout cas aucune envie de voir émerger une “alternative crédible au dollar“, estime Édouard Tétreau. Son statut de monnaie internationale confère au billet vert le “privilège exorbitant de pouvoir faire fonctionner la planche à billets et de créer des déficits presque sans fin“. Les Anglo-Saxons ont d’ailleurs toujours manifesté leur hostilité à plus d’intégration politique et économique européenne, pourtant maintenant jugée indispensable pour sortir de la crise de la dette. En témoigne leur volonté farouche de faire entrer la Turquie dans l’Union et de la réduire à une simple union douanière. Ce qui ne veut pas dire qu’il y ait un complot d’État, martèle Édouard Tétreau. Personne n’y croit.

* Auteur d’un blog, Les États-Unis d’Europe.

Le Point

(Merci à Eisbär pour la vidéo)

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