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Jean-Pascal Zadi, dit «JP», 31 ans, est un ovni dans le paysage français. Son cinéma, sorte de plongée chez les Tontons flingueurs de banlieue, s’affranchit des contraintes budgétaires, du politiquement correct et ne se soucie pas de passer en salles pour exister, circulant sous forme de DVD ou se téléchargeant en VOD.

Comment expliquez-vous qu’à l’inverse des films de votre enfance, il n’y a quasiment que des Noirs dans les vôtres ?

(…) Dans les années 80, en province, c’était les Noirs entre eux, les Arabes entre eux et les Blancs entre eux. On allait dans les soirées de Noirs, on jouait dans un club de foot de Noirs, on s’entraînait entre Noirs. Comme on dit : «On ne guérit pas de son enfance.»

Pourquoi ne pas passer par le cinéma traditionnel ?

Je veux traiter des sujets du peuple : l’histoire d’un dealer qui perd son shit… Ce sont des histoires que je vois dans mon entourage mais jamais au cinéma. L’histoire du sans-papier qui devient dealer [dans African Gangster, ndlr], je n’ai jamais vu ça, des histoires de petits jeunes qui vont à Paname parce qu’ils se font chier dans leur cité, et que ça dégénère, non plus.(…)

Quinze ans après «la Haine», qui racontait aussi la dérive de trois jeunes de banlieue à Paris, rien n’a bougé ?

La différence entre la Haine et Sans pudeur ni morale, c’est déjà que, moi, j’ai mis moins de thunes dans le film, et surtout, c’est que les trois personnages principaux de la Haine sont un Blanc, un Noir et un Arabe. Dans Sans pudeur… c’est une bande de Noirs avec un Arabe. C’est très représentatif de notre société, très communautarisée aujourd’hui. A l’époque de la Haine, c’était encore mélangé. J’ai fait le casting à Sarcelles pour Sans pudeur… j’ai demandé un mec blanc, les gens du quartier m’ont répondu : «Mais JP, on traîne qu’entre nous, il n’y a pas de Blancs, ici.» Même pendant le tournage, tous les gens qui passent dans le champ sont noirs.

Vous n’avez pas peur d’entretenir les clichés ?

Je n’entretiens rien du tout, les gens retiendront ce qu’ils veulent. J’essaie juste de tout montrer sans mentir, sans occulter les problèmes. Je n’ai pas voulu faire de film sur un Noir qui s’en sort, qui devient journaliste ou médecin, même si, bien sûr, ça existe. Si on ne parle pas des problèmes, ça va continuer. Il faut que les gens de gauche et du centre s’en emparent aussi, en profondeur, parce qu’à force d’occulter les choses, on les amplifie. C’est un film sur l’adolescence. Mes personnages ont entre 17 et 19 ans, ça bouillonne dans leur tête. Ces mecs ont une double identité. Ils sont Français, mais leurs parents veulent les envoyer au bled pour les calmer. A la base, j’ai fait ce film pour ces ados, pour leur montrer ce qu’ils font, pour qu’ils se rendent compte du bordel qu’ils mettent.

Libération

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