Fdesouche

Denis Dixmier: « La France pouvait refuser d’augmenter ses tarifs »
Secrétaire régional de la CGT Energie

Pourquoi la CGT dit-elle que la loi Nome* est un hold-up ?

*L’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique.

Cette loi vient du fait que Bruxelles estime que le tarif régulé de l’électricité est trop bas et que, de ce fait, les autres opérateurs ne peuvent pas s’aligner sur ce prix. L’Europe veut donc que ce tarif augmente pour créer une concurrence faussée. Elle dit clairement que la concurrence ne peut pas faire baisser les prix. Alors pour que les opérateurs privés paient l’électricité moins cher, Fillon a réfléchi à une loi qui permette d’augmenter le prix de l’électricité et aux concurrents d’EDF de bénéficier du prix de l’électricité nucléaire. EDF évidemment n’a pas voulu être perdante et le tarif de l’Arenh** est élevé puisqu’il fait peser sur ce tarif le prix du renouvellement du parc nucléaire. Donc indirectement EDF fait augmenter le prix du tarif régulé puisque c’est l’Arenh qui permet de fixer ce tarif.

C’est la raison de l’augmentation de 2,9% au 1er juillet ?

Oui et en 2015, l’Etat ne devrait plus fixer les prix. Ce n’est pas logique car l’électricité est un besoin pour tous. Son prix devrait être fixé avec les associations de consommateurs, les syndicats. En renvoyant la fixation du tarif régulé à la Commission de régulation de l’énergie, l’Etat se dédouane. Et se dédouanera d’autant plus que le prix de l’Arenh pourra augmenter de 15, 20, voire 30%. EDF a déjà fixé un échelonnement jusqu’en 2015 qui lui permette de mettre son parc nucléaire à niveau.

C’est justifié ?

Nous renvoyons aux années 70 quand la France a construit ses 58 réacteurs nucléaires sans faire bondir le prix de l’électricité, sans faire payer l’usager à court terme, simplement en empruntant à long terme. Avec cette loi, le prix de l’électricité va forcément s’envoler pour arriver au même niveau que partout en Europe. Et il n’y a pas que les particuliers, demain les industriels paieront aussi beaucoup plus cher. Ce sera un facteur de plus de délocalisation. Tout cela était évitable.

Il s’agissait pourtant de directives européennes ?

La France a suivi les directives. Le marché de l’électricité était ouvert. Elle pouvait refuser d’augmenter ses tarifs. Est-ce qu’on demanderait à Air France d’augmenter ses tarifs parce qu’ils sont trop bas pour que ses concurrents prennent des parts de marché ?

C’est même selon vous une distorsion de concurrence ?

C’est complètement illogique. La France était le bon élève de l’Europe. Elle était même au premier rang. C’est en cela que la loi Nome est un hold-up qui va permettre à GDF/Suez, Powéo et les autres opérateurs privés d’accéder à 30% de l’électricité nucléaire française.

L’accident de Fukushima vous a-t-il fait changer d’avis sur le nucléaire ?La CGT n’a jamais été pour le tout nucléaire. Fukushima ne nous a pas fait changer de position, nous sommes toujours pour un mix énergétique. En France, c’est historique, 80% de l’électricité est d’origine nucléaire. Par contre on le disait avant la catastrophe du Japon, il faut des conditions précises à l’exploitation des centrales : il faut faire un état des lieux complet, il faut que tous les salariés qui travaillent dans les centrales – qu’ils soient ou pas à EDF – aient un statut élevé, parce que c’est une sécurité nationale.

Le parc nucléaire français est-il sûr ?

On peut dire que le concept des centrales est sûr mais il faut, pour que le parc reste sûr, qu’il soit entretenu et qu’on y fasse les investissements qu’il faut.

Vous êtes aussi favorable aux énergies renouvelables.

Il faut aussi qu’elles soient toutes développées. Mais pas de la façon dont est géré aujourd’hui le photovoltaïque. On a créé une fausse bulle. Il y a tellement de particuliers qui vendent de l’électricité que l’on risque à l’avenir des coupures parce que le réseau n’a pas été conçu pour absorber de fortes ventes d’énergie. Il a été conçu pour distribuer de l’électricité pas pour en acheter. Il faut une vraie filière industrielle, de vraies formations diplômantes. Pour les particuliers, il faut développer le chauffe-eau solaire. Le seul moyen actuel de stocker de l’énergie c’est que les usagers aient leur propre consommation. Et cela fera baisser les prix.

Qu’est-ce que le pôle public de l’énergie que vous proposez ? Une renationalisation de toutes les entreprises ?

Pour le nucléaire, nous pensons que le seul exploitant doit être EDF mais pour le reste, quand on parle de pôle public, il peut comprendre des entreprises privées. Ce qui compte c’est qu’il existe une vraie cohésion en matière de production en fonction des besoins du pays, une vraie vision… y compris au niveau européen.

La Marseillaise

Fdesouche sur les réseaux sociaux