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Ce qui pourrait amener les investisseurs à regarder de plus près la situation italienne est clairement l’impact sur la patrie de notre civilisation des troubles libyens. La Libye est une ancienne colonie italienne. La relation entre les deux pays est historique : on se souviendra de la situation particulière qui prévalut durant la Seconde Guerre Mondiale ou l’Italie, dans le camp de l’Allemagne, favorisait le ravitaillement des divisions du Maréchal Rommel établies en Libye.

Il existe également des liens économiques étroits. La Libyan Investment Authority a des investissements dans la Juventus de Turin, et plus important, avec la Banque Centrale Libyenne, 7,5% du capital d’Unicredit, la plus importante banque italienne. Ce n’est que la partie officielle, et quelle que soit l’issue du conflit libyen, le Ministre des Finances italien a mis en garde sur les effets déstabilisateurs d’une requête des forces révolutionnaires sur ces actifs qui sont maintenant gelés suite aux mesures prises tant au niveau des Nations Unies que de l’Union Européenne. On comprend mieux la « prudence » des Italiens face à toute intervention militaire en Libye.

D’autant plus que, dès la fin de l’embargo sur la Libye, l’Italie a été son principal fournisseur d’armes. Elle dépend à concurrence de 10% du pétrole italien et a des contrats en cours importants. ENI, la société pétrolière italienne, dispose d’un cinquième de ses ressources en Libye. A cela s’ajoute des participations dans Finmeccanica et Fiat. Silvio Berlusconi avait même poussé l’amitié jusqu’à baiser la main du Colonel.

L’aspect humain est particulièrement inquiétant. L’île de Lampedusa est la première étape des immigrants libyens qui cherchent à entrer dans l’Union Européenne. De surcroît, il existe une crainte de voir les émigrants clandestins africains utiliser la Libye comme passage, ce que la Libye avait empêché. La France, par la voix de son Ministre des Affaires Européennes, Laurent Wauquiez, soutient la demande italienne d’une solution européenne et par le de 200.000 à 300.000 immigrants par an.

Tout cela ne peut pas ne pas impacter la dette souveraine italienne. Il y a quelques jours, Mario Draghi, un des plus éminents dirigeants européens, Gouverneur de la Banca d’Italia et Président du Conseil pour la Stabilité Financière (et probablement candidat à la succession de Jean-Claude Trichet a la Banque Centrale Européenne) a envoyé aux banques italiennes un sérieux signal d’alarme sur leurs besoins de fonds propres additionnels.

La banque Monte dei Paschi di Siena semble être particulièrement visée. Il demande en particulier d’augmenter leur capital ou de faire connaître leurs plans dans ce sens avant que les stress tests des banques européennes, dont on nous annonce qu’ils seront plus sévères que les précédents, soient effectués. Les banques semblent elles-mêmes en état de déni face à ces besoins, et en particulier Dieter Rampel, le patron de … Unicredit.

Mais la situation de la dette publique est inquiétante. Avec un ratio de 119% du Produit National Brut, l’Italie est dans des zones proches de ses voisins méditerranéens. A cela s’ajoute une situation inquiétante de près de 600 municipalités italiennes qui ont spéculé en s’endettant en devises qui se sont appréciées par rapport à l’Euro, en particulier le Yen.

Fabio Saccomani, l’adjoint de Mario Draghi n’a pas mâché ses mots : même s’il ne croit pas que l’Italie aura besoin d’une intervention du Fonds Européen de Stabilité Financière, il en demande l’augmentation. On comprend l’enjeu : la dette italienne atteint 1.800 milliards d’euros soit six fois celle de la Grèce. La marge au-dessus de l’Allemagne a longtemps été supérieure à celle de l’Espagne et reste trop élevée pour donner une marge de manœuvre à l’Italie.

Il vaudrait mieux en tous cas mieux que la crise ne se produise pas pendant les audiences judiciaire du Premier Ministre Silvio Berlusconi qui a annoncé qu’il démontrerait devant le tribunal que « Ruby » n’était pas en dessous de l’âge d’avoir les rapports sexuels qu’il a eus avec elle. C’est probablement à cause de ses problèmes judiciaires qu’il a fallu au Premier Ministre italien plusieurs jours pour dénoncer l’insurrection libyenne.

Inutile de dire qu’une crise de la dette souveraine italienne provoquerait une contagion gravissime dans toute l’Eurozone qui doit prendre des orientations importante a la fin de cette semaine.

Le Monde

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