Fdesouche

Par Simone Wapler

Quand tout le monde pense la même chose, personne ne pense. Le FMI n’a pas vu venir la crise du crédit subprime. Pourquoi de grands cerveaux au service d’une organisation dotée de grands moyens n’ont-ils pas tiré la sonnette d’alarme à temps ?

Pas plus tard qu’en juillet 2007, les services du FMI estimaient que “l’expansion mondiale reste[rait] forte” et revoyaient à la hausse les perspectives de croissance tout en attirant l’attention sur les vulnérabilités croissantes de certains marchés émergents. Les turbulences du marché financier du début 2007 ont été vues comme “ne justifiant pas une révision fondamentale des perspectives mondiales” (mars 2007).

Pourquoi ?

La réponse est contenue dans un rapport de 67 pages qui autopsie cet échec. Comme j’ai lu ces 67 pages, je ne vais pas tout de suite vous donner la réponse. Il n’y a aucune raison, cher lecteur, pour que vous accédiez à la Vérité sans Peine. C’est très malsain.

Sachez donc que ce rapport a été rédigé par le Bureau indépendant d’évaluation du Fonds monétaire international, BIE pour les intimes. C’est un peu ce que sont les “boeufs-carottes” à la police nationale, la Cour des comptes au gouvernement français. Son titre est : Évaluation de l’action du FMI au cours de la période qui a précédé la crise financière et économique mondiale – La surveillance du FMI en 2004-07.

Toutes les réponses se trouvent concentrées dans la partie IV du rapport : “Comment expliquer l’absence d’un avertissement clair du FMI.

Le FMI est nul car il pratique la pensée unique

En fait, le rapport ne le dit pas exactement comme je le dis. Il parle de faiblesses analytiques. “Ces faiblesses sont globalement de deux types : pensée doctrinaire et autres postulats intellectuels ; méthodes d’analyse/connaissances incomplètes. Une pensée doctrinaire… dominante au sein des services du FMI… était que la discipline et l’autorégulation du marché suffiraient à écarter tout problème majeur des institutions financières.”

Supposons. Vous êtes employé d’une honorable et digne OSG (organisation supra gouvernementale) de surveillance financière (rien à voir avec le FMI). Les études et mémoires internes s’amoncellent sur votre bureau pour conclure qu’il n’y a rien à surveiller vu que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

Vous croyez à ces épais rapports. Ils vous ont hypnotisé et vous avez parfois eu la paupière lourde en les lisant. Vous ignorez tout des bulles qui se sont succédé durant l’histoire financière. Bulles dont l’existence même prouve que l’efficience des marchés est une foutaise (bullshit, en bon américain). Jusque-là, rien de mal, il est permis d’être naïf, ignare et employé d’une OSG…

Mais, si vous êtes vraiment honnête, vous demandez votre mutation à un endroit où vous pourriez être utile, travailler vraiment, non ? Vous gaspilleriez, vous, l’argent de l’Internationale des Contribuables sans remord aucun ?

A moins que vous n’ayez l’idée de voir un peu si à l’extérieur on pense comme à l’intérieur. Mais ça, explique notre rapport, ce n’est pas possible à cause du “biais de confirmation, propension cognitive bien connue à ne tenir compte que des informations qui corroborent un postulat et à ignorer les données qui l’infirment”.

Le FMI est nul parce que c’est un grand machin autiste

Les services du FMI ont tendance à ne pas échanger les informations et à ne pas se concerter entre collègues au-delà de l’unité à laquelle ils appartiennent“. Pas terrible, ça. Le FMI doit manquer de machines à café.

Les rapports ont rarement fait référence à des travaux d’analystes extérieurs signalant les risques croissants des marchés financiers“.

Le FMI est nul parce que le franc-parler y est puni

Les membres du personnel ont indiqué que les incitations conduisent à s’aligner sur l’opinion dominante au FMI… L’affirmation d’opinions dissidentes peut nuire à une carrière (…). L’expression d’opinions conformes n’est jamais pénalisée, même si elles se révèlent erronées par la suite“.

Le FMI est nul parce qu’il y a des guerres de chefaillons

Les luttes de préséance, étroitement liées à la question du cloisonnement et du cadre incitatif, ont été signalées comme un obstacle majeur à la coopération et à la collaboration entre les services”. Selon un cadre chevronné, “le FMI fonctionne comme un ensemble de petites chefferies/clans.

Le FMI est nul car c’est un béni-oui-oui à la botte des grands pays

Il est impossible de faire usage de franc-parler face aux autorités” étant donné que “les gouvernements sont les actionnaires de l’entreprise.

En clair, le FMI est soumis à des pressions politiques. Pas les États-Unis, non : les services et la direction du FMI ont indiqué “ne pas recevoir de pressions directes en vue de modifier les messages issus des missions.” Mais plutôt d’autres pays avancés pour lesquels “il est arrivé que des autorités adoptent des méthodes insistantes, exerçant des pressions explicites pour atténuer des messages critiques.

Selon les termes d’un membre du personnel affecté à un grand pays, il était “difficile de faire un constat critique, même lorsque celui-ci était étayé par une analyse en bonne et due forme (…) les réunions de fin de mission se résumant essentiellement à des séances de négociation sur des questions de formulation.

Le FMI semble donc mal parti pour nous alerter de la prochaine crise, celle de la dette souveraine et de la faillite de gros États. Il lui manque toujours les cadres capables de fournir “l’impulsion intellectuelle nécessaire pour effectuer du travail de haute qualité“.

Bien inquiétant tout ça…

La Chronique Agora

Fdesouche sur les réseaux sociaux