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La Fondation Abbé Pierre dénonce une politique d’accession à la propriété qui pousse les ménages les plus modestes à s’endetter. Explications.

Sans remettre en cause l’accession à la propriété en tant que telle, la Fondation Abbé Pierre en dénonce les échecs et les effets pervers actuels.

Inégalités persistantes dans l’accès à la propriété

Alors que les dispositifs d’aide à l’accession à la propriété se sont multipliés, l’étude de la Fondation Abbé Pierre note que parmi les 20% de ménages les plus modestes, seuls 37% sont propriétaires. Ils étaient 47% en 1988. Dans le même temps, les ménages les plus riches sont plus nombreux à avoir accédé à la propriété.

L’ouverture du prêt à taux zéro à tous les ménages va accentuer cette tendance, puisque les plus aisés pourront en bénéficier.

Cette sous-accessibilité à la propriété de la part des ménages modestes, ou issus de la classe moyenne, accentue les inégalités. Selon les chiffres de l’Insee, alors que 1% des ménages les plus riches disposent de 13% du patrimoine total des ménages, les 50% les plus modestes n’en possèdent, eux, que 7%. Or, avec la hausse de l’immobilier, cet écart ne peut que croître entre ceux qui sont propriétaires et ceux qui ne le sont pas.

Les propriétaires les plus modestes en grande difficulté financière

Un ménage modeste accédant à la propriété n’est pas à l’abri de problèmes de solvabilité. Le faible apport de ces ménages et surtout les très forts coûts d’acquisition les placent dans des situations délicates. De fait, leur taux d’effort, c’est-à-dire la part des revenus consacrée au logement dans la totalité du revenu disponible, est de 42,8%. Un chiffre qui est supérieur aux ménages qui sont locataires, dans le parc social ou privé.

Depuis 2000, la durée d’endettement pour l’achat d’un même logement est passée de 14 ans à 31 ans et l’encours de l’endettement représente 5,3 années de revenus pour ces ménages. Le montant moyen des prêts à lui aussi doublé en 10 ans.

De plus, il y a souvent une sous-évaluation de certains coûts. La hausse continue des prix de l’immobilier pousse les ménages modestes à acheter loin des villes. Cela entraîne une hausse du budget de transport jusqu’à 18% du revenu disponible des ménages, selon la Fondation. Il en va de même pour les charges de copropriété.

En bref, pour certains propriétaires, l’accession engendre des charges d’endettement « insupportables », qui peuvent conduire au surendettement.

Enfin, les propriétaires ne sont pas à l’abri « d’accidents de la vie ». La Fondation note que les accédants qui ont acheté à la limite de leurs capacités financières se trouvent à la merci de n’importe quel imprévu qui a des conséquences financières.

Le parc locatif, grand oublié

Il s’agit là d’une critique parmi les plus fortes portées par la Fondation à l’encontre de la politique d’accession à la propriété. Le « tout accession réduit la diversité de l’offre » dit le rapport. Le droit au logement doit primer, selon lui, sur le droit au libre choix « de la modalité de logement ». En effet, les difficultés rencontrées dans l’acquisition d’un logement, le prix de ce dernier font que l’accès à la propriété relève « plus du rêve que de la réalité » pour beaucoup.

Dès lors, réduire le parc locatif ou, du moins, ne pas y consacrer les aides nécessaires, aura pour effet d’aggraver la crise du logement. De même, le crédo du « tous propriétaires » est battu en brèche par les auteurs. La propriété ne répond pas à tous les besoins ni à toutes les situations du ménage. Elle affaiblit la mobilité des occupants et laisse le propriétaire à la merci d’un marché fluctuant.

La mobilité des propriétaires et la mixité sociale en berne

Le ménage qui veut quitter son logement à 15.000 euros pour un autre du même prix doit s’acquitter de « frais de mobilité incompressibles de 18.450 euros », note la Fondation. Lorsqu’il s’agit de changer d’habitation, le poids financier de cette opération peut vite devenir trop lourd. A tel point que la Fondation parle « d’une assignation à résidence », avec toutes les conséquences possibles en termes d’évolution de carrière, de choix individuels et familiaux…

Par ailleurs, la Fondation constate que l’accession à la propriété des ménages modestes se fait dans des endroits déterminés. Il s’agit surtout de lieux éloignés des centres, en zone rurale ou périurbaine.

Ce phénomène conduit au départ des classes moyennes de certains quartiers de périphérie, les plus défavorisés. Ces logements, ainsi libérés, ne sont pas reloués à des ménages de la même catégorie sociale car situés dans les « territoires les moins attractifs ». Cela tend à renforcer la « ségrégation spatiale » et à atténuer la mixité sociale au sein des mêmes quartiers.

Inversement, le renchérissement des secteurs les plus aisés exclue les classes moyennes de ces zones.

L’Expansion

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