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Environ deux Portugais sur dix vivent sous le seuil de pauvreté, et les soupes populaires voient arriver des personnes dont le comportement dénote la gêne d’être devenu récemment misérable. On les surnomme les « familles sandwichs ». Avec 900 € par mois, ces familles ont des revenus qui dépassent les plafonds d’attribution des aides sociales au Portugal, mais leurs conditions de vie sont mauvaises.

José Vital Branco Malhoa - Vou ser Mãe, 1923

Le concept a été développé par les sociologues qui ont réalisé l’enquête «Nécessités au Portugal : tradition et tendances émergentes», à la demande de diverses entités publiques et privées. Ces familles « entre-deux » sont réellement menacées par la perte de leur pouvoir d’achat.

Le chômage au Portugal touche désormais 10,6 % de la population active, un record historique depuis la naissance de la démocratie portugaise en avril 1974. La situation s’est considérablement dégradée à partir de 2007, puis l’année suivante avec les conséquences de la crise financière mondiale.

Structurellement mal préparée, l’économie portugaise, encore très dépendante des bassins d’emplois spécialisés, comme celui du textile (où le taux de chômage atteint entre 15 % ou 17 %) dans le nord du Portugal, n’a pas pu faire face à la baisse de ses exportations.

Le smic portugais est de 475 € brut par mois

Le gouvernement socialiste de José Socrates a injecté plus d’1,5 milliard d’euros dans les secteurs fragilisés, avec pour conséquence l’aggravation du déficit public qui a dérapé à 9,3 % du PIB en 2009. Après déjà deux vagues de mesures d’austérité, le gouvernement a prévu de fortes restrictions pour 2011 : augmentation des impôts directs, passage de 21 à 23 % de la TVA, réduction des salaires dans la fonction publique, gel des pensions, et diminution drastique des aides sociales et des aides aux chômeurs.

La pauvreté n’est pas nouvelle dans le pays, et les critères retenus pour la mesurer varient d’une étude à l’autre. Mais on estime aujourd’hui que près de deux Portugais sur dix seraient sous le seuil de pauvreté, établi à 406 € par mois par l’Institut national de la statistique (l’INE), alors que le smic portugais est de 475 € brut par mois (sur quatorze mois).

« Entre les smicards, les chômeurs, les précaires et les retraites misérables, c’est près de la moitié des 10,6 millions de Portugais qui sont sur la corde raide. Et elle menace de casser ! » s’insurge Manuel Carvalho da Silva, le leader de la CGTP, la puissante confédération syndicale proche du parti communiste.

Ils n’achètent plus de nourriture : ils doivent rembourser leurs crédits

Tout ce que le Portugal compte de réseaux sociaux d’obédience catholique ou laïques, heureusement bien établis, tirent la sonnette d’alarme. Les anciennes soupes populaires, rebaptisées « réfectoires communautaires », font le plein.

« Nous devons faire face à des demandes qui ont augmenté de 200 à 250 %. Des personnes sans nom, qui refusent de le donner, parce qu’elles ont honte. On les reconnaît à leurs vêtements impeccables, et parce qu’elles mangent tournées vers les murs. Et puis ces gens sont plus jeunes que nos assistés habituels », explique Manuel Lemos, le président de l’Union des Miséricordes portugaises, puissant réseau d’entraide d’obédience catholique.

Ces nouveaux assistés n’achètent plus de nourriture : ils doivent rembourser leurs crédits, celui des maisons ou des voitures immobilisées dans les garages faute d’argent pour l’essence. Les choix sont difficiles, et la « misère honteuse » gagne du terrain.

La Croix

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