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Il est impossible pour la justice de déterminer précisément l’ampleur des sommes d’argent générées par la vente de produits stupéfiants, mais elles seraient énormes. Une chose est sûre, Grenoble est une plaque tournante du trafic de drogue au niveau régional, et les dealers n’hésitent pas à user de violence pour arriver à leurs fins.

«C’est une guerre perdue d’avance, mais il faut la livrer quand même.» Cette phrase n’est pas d’elle, mais Marie Gouverneur y adhère. Vice-procureur au parquet de Grenoble, cette magistrate est en charge des dossiers liés aux stupéfiants.

«Les sommes en jeu sont énormes, même si on n’arrive pas à en chiffrer l’ampleur. Selon une estimation basse réalisée par des policiers, le trafic organisé dans une seule barre d’immeuble peut rapporter entre 6.000 et 10.000 euros par jour.» Et cette estimation ne prendrait en compte qu’un seul dealer…

Et pas besoin d’être fort en maths pour déduire ce que peuvent gagner certains au sommet de la pyramide. «Sur le sud du département, le trafic de stups est véritablement lié à l’agglomération grenobloise et ses quartiers sensibles.» Des quartiers de plus en plus imperméables qui vivent parfois au rythme des trafiquants. «En règle générale, dans chaque quartier, deux ou trois familles ont la mainmise sur le trafic. Elles emploient ensuite d’autres personnes dans une organisation finalement assez hiérarchisée.»

La magistrate explique: «Il y a d’abord des guetteurs, qui sont des enfants ou des adolescents. Ils surveillent le quartier et avertissent les dealers lorsque la police arrive ou simplement si quelqu’un qu’ils estiment suspect entre dans la cité. Il y a ensuite des “portiers.” C’est-à-dire que dans certains quartiers, des jeunes hommes sont chargés de contrôler l’accès aux montées d’escaliers où se font les transactions. Selon nos informations, ces “contrôles” peuvent aller jusqu’à la fouille des personnes voulant entrer pour vérifier qu’il ne s’agit pas de policiers.»

Au-dessus, il y a enfin les dealers. Pour éviter d’être dénoncés par des clients, certains ont poussé la prudence jusqu’à vendre le visage dissimulé derrière des masques, des cagoules, ou à opérer les transactions à travers des trappes. Difficile dans ces conditions pour la police de recueillir des preuves, voire d’effectuer des surveillances.

«Il y a deux choses à comprendre. La première, c’est qu’il y a beaucoup d’argent en jeu et que le trafic fait, à des degrés divers, vivre beaucoup de monde. La seconde, qui est très importante, c’est la peur. Il est impossible, ou presque, de trouver des endroits depuis lesquels effectuer des planques dans certains quartiers. Les gens ont peur pour eux, pour leurs familles. Il y a des menaces de mort, de tortures… Et les gens qui pourraient parler ou nous aider ont peur des représailles, d’autant plus qu’on ne peut pas les protéger», raconte un policier.

Marie Gouverneur confirme: «La violence est omniprésente dans ce milieu des stupéfiants. On a pu le voir au cours des dernières années dans le cadre des règlements de comptes qui ont secoué l’agglomération grenobloise.» L’assassinat, la semaine dernière, de Mehdi Chine dans le quartier Teisseire, en est un exemple plus récent.

Le Dauphiné

(Merci à Le Hutin)

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