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Dans cet entretien, l’ancien collaborateur de M. Eric Besson donne les raisons de son départ du ministère français de l’Immigration et expose ses vues sur ce phénomène des temps modernes.[…]

Repères : pourquoi avez-vous quitté le cabinet de M. Eric Besson, le ministre français en charge de l’Immigration ?

M. Gaston Kelman : J’ai voulu vivre une expérience de l’intérieur. Je ne regrette rien. J’avais été appelé au cabinet pour apporter ma réflexion sur l’identité. J’ai fait des propositions qui ne correspondaient pas à l’orientation donnée au débat. Il fallait donc que je récupère ma liberté pour réinvestir mes modes habituels d’expression. Au ministère, je ne devais pas m’exprimer en mon nom propre. Si vous bâillonnez un Bourguignon ascendant bassa…

Quelles sont vos propositions qui ont été rejetées?

Ma philosophie par rapport à la nouvelle identité française n’a jamais changé. Au ministère, j’ai proposé un discours et des actions qui portaient un message d’amour : «Nous aimons la France». Ce message ne devait pas être porté par les seules personnes issues de l’immigration.

Je proposais des spots publicitaires et des programmes courts à la télévision où les gens de tous âges, sans distinction de couleur, allaient présenter leurs régions en tenues locales et dire :« j’aime la France ». Vous imaginez une Noire en tenue alsacienne, une Asiatique en bigoudène ou une Arabe en savoyarde, en train de déclamer leur amour de la France à la télé !

Il y aurait eu aussi des campagnes d’affichage avec des enfants habillés en adulte et tenue professionnelle. Ils auraient été des élus avec écharpe tricolore – député, maire, président, chef gastronomique, médecin, sportif- et auraient eux aussi déclamé leur amour pour la France. Je disais que dans cette campagne pour l’identité, on ne devait plus citer une seule fois les mots intégration ou immigration. Il y avait bien d’autres propositions. Mais le temps de l’intellectuel – sur la durée – n’est pas le temps politique qui investit toujours pour un gain électoral immédiat. Alors, les régionales sont passées par là et vous connaissez la suite.(…)

C’est [en France] que l’on trouve le plus fort taux de mariages mixtes et tous les sociologues sont d’avis que c’est aussi là que le sentiment d’intégration est le plus fort de la part de l’étranger. C’est le pays où l’étranger et l’indigène ont pratiquement les mêmes droits

La politique du gouvernement français actuel semble stigmatiser l’étranger en France.

Il y a le discours et il y a la réalité sociologique. Je continue à penser et à dire que l’étranger n’est pas mal loti en France ; que le peuple français n’est pas raciste. C’est là que l’on trouve le plus fort taux de mariages mixtes et tous les sociologues sont d’avis que c’est aussi là que le sentiment d’intégration est le plus fort de la part de l’étranger. C’est le pays où l’étranger et l’indigène ont pratiquement les mêmes droits. Alors, les coups de fièvre estivaux, les escarmouches politiciennes saisonnières, il y en a et il y en aura toujours. Mais c’est le fond de la société qui compte et ce fond, c’est celui du pays des Droits de l’homme. C’est une polémique dans la polémique : les Roms raccompagnés en Roumanie et en Bulgarie sont mieux traités que les nègres, comme ces Ivoiriennes récemment traînées au sol par des policiers français avec des bébés au dos. La situation des Roms souffre d’un excès de médiatisation. Je ne vois pas l’intérêt de ces ronds de jambe politiques. Résultat, tout le monde saute dessus alors que dans tous les pays occidentaux, les expulsions se font tous les jours dans le simple respect des règles. Et puis, il y a cette autre instrumentalisation, celle des associations. Elles aident les gens, c’est bien. Mais il leur faut du «saignant» pour les médias. Et là il n’y a pas mieux «qu’une Ivoirienne portant son bébé dans le dos et traînée sur le sol». J’ai une saine horreur de cette instrumentalisation du Nègre. Le squat devait être démoli. Le Dal (Droit au logement pour tous, une association qui aide à l’insertion des mal-logés) le savait. Comment les choses se sont passées ? Il y a deux versions contradictoires. Mais à la base, il y a le bras de fer orienté du Dal.

Ne faut-il pas attendre de vous une condamnation plus vigoureuse des violences anti-noires?

Il n’y a pas de violences antinoires en France. Il y a eu des bavures. Mais il n’y a pas une philosophie de type apartheid. Quand par exemple la police intervient dans les quartiers ou à la gare du Nord, il y a plus de chance que les personnes interpellées soient noires parce qu’il n’y aura pas de Blancs ou d’Asiatiques sur ces espaces publics. Maintenant, pourquoi y a-t-il tant de jeunes noirs sur l’espace public, c’est une autre question. Quand la police matraque à la sortie du parc des Princes, les victimes sont pratiquement toutes blanches. (…)

Une expérience d’insertion réussie comme la vôtre et celle de la candidate Calixte peuvent-elles se renouveler et devenir ordinaires dans la France actuelle ?

Les réussites de l’immigration ne sont pas des exceptions. Ce qui est étrange, c’est que c’est ce que tout le monde voudrait entendre. L’élite blanche veut maintenir la fiction du migrant subalterne et n’accepte pas l’idée du cadre qui vient lui faire concurrence. Le migrant s’entête dans un dolorisme affligeant. Au lieu de brandir ses succès, il crie ses malheurs. La question c’est de savoir combien il y avait de médecins, de professeurs ou d’avocats noirs en France en 1980 et combien il y en a aujourd’hui.

Au-delà de toutes ces controverses, comment voyez-vous l’avenir des migrations en France ?

Des pays comme le Canada ont pris l’option de l’immigration choisie. C’est le droit de la France aussi. Le problème c’est l’instrumentalisation de l’immigration à des fins politiciennes. Je rêve du jour où l’on n’ira plus en France pour chercher la vie, comme si l’on venait de la mort.

Camer.be

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