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Si l’adhésion à l’UE coûte autant à la France sans rien lui apporter si ce n’est des problèmes supplémentaires, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de la logique et en partir?

A écouter certains discours, la France ne serait que la malheureuse victime d’une stigmatisation orchestrée par une Commission européenne en mal de reconnaissance. A cause d’elle, le gouvernement français ne pourrait mener à bien sa politique. Pire encore, la «nation des Droits de l’Homme» recevrait des leçons d’une commissaire issue d’un État à peine visible sur la carte et ne représentant que «350.000» habitants.

Face à l’adversité, la France doit se ressaisir, serrer les rangs, passer des mots aux actes. Et quitter l’UE. Car rien ne la force à y rester. Une telle chose est maintenant tout à fait possible depuis l’adoption du Traité de Lisbonne. L’article 50 prévoit en effet que «tout État membre peut décider, (…) de se retirer de l’Union».

Pour cela, rien de plus simple. Toute la procédure est expliquée dans le paragraphe 2 du même article :

«L’État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union. Cet accord est négocié conformément à l’article 218, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il est conclu au nom de l’Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen».

En plus clair, cela signifie que le départ se négociera, point par point. Car, comme d’autres États qui ne sont pas membres de l’UE, la France pourra conserver des partenariats avec Bruxelles. Par exemple, la Suisse est associée à l’espace Schengen ; les droits de douanes ont aussi disparu entre les deux entités économiques sans qu’aucun député suisse n’ait encore siégé au Parlement européen.

Contributeur net

Première conséquence visible du retrait français: le commissaire européen français, les eurodéputés et les divers représentants de la France à Bruxelles seront remerciés puisqu’ils seront devenus inutiles et renvoyés dans leur foyer.

Bien évidemment, Paris n’aura plus à payer sa cotisation annuelle, soit environ 20 milliards d’euros. De l’argent qui restera à la France et qui pourra l’utiliser comme bon lui semble. Petit détail: cela signifie en même temps, que les collectivités territoriales, ne seront plus éligibles aux programmes d’aides européens: adieu Fonds de développement régional, adieu Fonds de cohésion et adieu Fonds social européen (une manne d’environ 15 milliards entre 2007 et 2013 pour la France). Toutefois, l’opération serait rentable financièrement, la France faisant en effet partie des contributeurs net de l’UE à hauteur de 1,1 milliard d’euros.

Mais grand avantage pour la nation agricole qu’est l’Hexagone: fini les manifestations intempestives d’agriculteurs protestants contre le diktat des eurocrates. En quittant l’UE, la France quitterait aussi les politiques communes, y compris la plus célèbre de tous: la politique agricole commune. Même chose pour la pêche. Ainsi, le gouvernement français pourra aider autant qu’il le souhaite ses agriculteurs et dire à ses pêcheurs de capturer autant de poissons qu’ils veulent. Du moins, jusqu’à ce que l’Organisation Mondiale du Commerce commence à émettre des remarques ou que les thons ou morues disparaissent totalement.

Le conseil de l’Europe aussi

En s’excluant elle-même des institutions européennes, la France se protégera aussi contre les attaques de Viviane Reding ou tout autre commissaire ainsi que des possibles condamnations de la Cour de Justice de l’Union européenne.

Reste que des condamnations internationales seront toujours possibles. En effet, la France est aussi membre du Conseil de l’Europe, une organisation qui n’a rien à voir avec l’Union européenne et qui a pour but la défense des Droits de l’homme et de la démocratie. Lorsque le citoyen d’un pays estime que ses droits ont été violés, il peut (après une longue procédure) voir son cas jugé par la Cour européenne des Droits de l’Homme et un État peut être condamné.

Là-bas aussi, la France est régulièrement condamnée, en particulier à cause de l’état de ses prisons. Dernièrement, certains juristes craignaient une condamnation concernant la procédure de garde à vue, avant qu’elle ne soit suspendue par le Conseil constitutionnel. Motif: tout accusé doit pouvoir être défendu par un avocat, même commis d’office, ce que la procédure française n’autorise que partiellement.

Concernant la monnaie unique, deux scénarios peuvent être envisagés. Le premier consisterait à conserver l’euro, sans être membre de l’UE. C’est aujourd’hui la situation pour le Kosovo et le Monténégro. Dans le cas de la France, cela signifierait aussi, renoncer aux sièges de représentants dont elle dispose au sein de la Banque Centrale Européenne et de l’Eurogroupe.

Bien qu’indépendante des gouvernements, la BCE fut régulièrement mise sous pression par le gouvernement français pour adoucir sa politique stricte de lutte contre l’inflation défendue par l’Allemagne et que Paris jugeait néfaste pour la reprise de la croissance. En étant en dehors de l’Union européenne, plus question d’espérer un jour changer les traités européens sur ce sujet. Les vues de Berlin domineraient alors la zone euro sans aucun concurrent sérieux et la France subirait de l’extérieur les décisions européennes.

La deuxième solution serait de revenir au franc. Rêve de beaucoup de souverainistes, une telle décision ne serait pas sans conséquences pour les finances de la République. En effet, en quittant la zone euro, le risque est de provoquer une méfiance des marchés, ce qui augmenterait aussitôt les taux intérêts des emprunts et fort probablement un abaissement de la notation française. Il serait bien entendu possible de dévaluer le nouveau franc pour relancer les exportations et l’économie comme la France avait tendance à le faire dans le passé. La contrepartie serait une hausse de l’inflation et des importations plus coûteuses.

Fax-democracy

Une fois sortie, la France continuera donc à marchander et échanger avec ses voisins… qui eux seront encore tous dans l’UE. Elle pourrait ainsi rejoindre l’Association européenne de libre échange (AELE), une organisation internationale créée à la même époque que la Communauté économique européenne et dont elle était la concurrente. Le succès de la CEE a amené les membres de l’AELE à rejoindre la première. Ne restent actuellement membres de cet ensemble que les pays qui ont toujours refusé d’intégrer l’UE, leur donnant ainsi un cadre pour collaborer avec les 27: Suisse, Norvège, Liechtenstein et Islande.

Mais alors que l’on aurait pu les penser à l’abri du droit européen et de ses directives, il est intéressant de noter que les Suisses ou les Norvégiens sont plus ou moins obligés d’en reprendre une bonne partie, en particulier les réglementations commerciales au motif que l’UE est leur principal partenaire économique. Mais comme ces pays ne font pas parti intégrante des institutions, ils ne peuvent influencer leur élaboration par le vote de députés. Ils sont donc souverains mais assez passifs. Ils attendent que cela se passe avant de recevoir le document législatif venant de Bruxelles et qu’il leur faudra appliquer. Certains appellent ça la «fax democracy».

Et si la France veut revenir ?

Le cas de figure a aussi été pensé et prévu par le paragraphe 5 de l’article:

«Si l’État qui s’est retiré de l’Union demande à adhérer à nouveau, sa demande est soumise à la procédure visée à l’article 49.»

Toute la procédure sera donc à reprendre depuis le début, comme si la France n’avait jamais fait partie de l’UE, à l’image de la Turquie ou de la Croatie. Toute la législation française sera passée au crible pour savoir si elle est conforme au droit européen. Et en cas de non compatibilité, les lois républicaines devront être modifiées. Même la Constitution si cela est nécessaire.

Dernier point: toute nouvelle adhésion demande un vote unanime au sein du Conseil européen, institution où chaque chef d’État dispose d’un vote (petit ou grand pays). Autrement dit: le Luxembourg, ou la Bulgarie pourraient à eux seuls forcer la France à rester dehors. Cocasse.

Slate

(Merci à Indo_Européen)

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