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Leur unité de mesure est celui de la microseconde (millionième de seconde). Cet univers hyper-rapide, celui du «high-frequency trading» (HFR), caractérise des négociants dont la part de marché ne cesse d’augmenter. Ces financiers très particuliers dominent l’actualité des spécialistes des dérivés pour la 31e réunion du Bürgenstock qui rassemble les bourses du monde entier et les autorités de surveillance.

Les participants reconnaissent à ces traders le mérite d’augmenter la liquidité du marché. Mais le HFR serait en partie responsable de la subite chute de 1000 points de l’indice Dow Jones le 6 mai dernier lors du «flash krach». «Le HFR est le bouc émissaire idéal des médias», selon John Damgard, président de la Futures Industry Association. Il refuse de réinstaller «le génie dans sa bouteille».

Le mystère qui entoure le HFR est renforcé par son mode d’intervention. Ce n’est plus l’homme mais la machine qui décide de l’opportunité d’un ordre boursier. D’ailleurs, ce monde un peu étrange distingue les investisseurs entre informés (ceux qui agissent sur la seule base des données mathématiques du marché) et non-informés (les investisseurs haussiers, «long only», comme les détenteurs d’actions ou de fonds de placement).

Le HFR représente le quart du volume sur le marché des changes, selon une étude de Aite Group. Son potentiel est loin d’être épuisé. Même si l’industrie des dérivés est assez nerveuse actuellement dans l’attente des décisions finales des autorités de réglementation, notamment de la CFTC américaine, certains parlent de 40% du marché des changes dans deux ans. «C’est le marché qui déterminera la limite de technique», selon John Damgard.

Ce type de négoce représente 70% du trading en actions américaines et 40% de la plate-forme boursière Chi-X, a déclaré Hirander Misra. En avril dernier, sa nouvelle entreprise a lancé «la plate-forme de négoce la plus rapide au monde», avec une durée de latence (aller-retour) de 16 microsecondes, soit 20 à 30 fois plus rapide que la précédente.

Les grandes bourses officielles, après s’être méfiées de cette nouvelle génération de traders, la courtisent afin d’améliorer la liquidité de leur marché. Certaines bourses proposent en outre des rabais à ces traders pour les attirer.

La concurrence entre les bourses se juge uniquement à l’aune de la liquidité. Mieux vaut donc satisfaire aux lois du HFR. Le négoce à haute fréquence regroupe non seulement des hedge funds, mais aussi des grandes banques d’investissement. Mark Holder, professeur de finance à la Kent University, souligne les difficultés à obtenir des chiffres et l’absence d’étude académique à ce sujet.

Le HFR est un défi pour les bourses et les autorités de réglementation, selon Christian Katz, directeur général de la bourse suisse SIX. Celui-ci se refuse à quantifier l’importance de ce type de négoce en Suisse. Mais, en se fondant sur une récente étude, il affirme qu’en général 80% de ce trading à haute fréquence représente une activité de faiseur de marché et 20% de l’arbitrage.

Lui aussi affirme qu’il ne sera pas aisé de revenir en arrière, ne serait-ce qu’en vertu de la fonction positive du HFR sur la liquidité. Il faut toutefois décomposer celle-ci en quatre fonctions distinctes: le HFR accroît certes la vitesse d’exécution des ordres et réduit les écarts entre les cotations de l’offre et de la demande. Il améliore aussi la «résilience du marché», lui permettant un plus rapide retour à la situation antérieure à un choc. Mais il n’augmente pas la «profondeur» du marché (soit le nombre de titres échangés par cours).

Quoi qu’il en soit, il n’est pas possible d’ignorer le HFR. Non seulement les banques doivent investir dans ces nouvelles technologies pour être à jour avec les clients, mais les sociétés de clearing (administration des transactions) doivent adapter leur système de contrôle du risque, selon Markus Zickwolff, directeur d’Eurex.

Le Temps

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