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Esther Benbassa, historienne et directrice d’études à l’Ecole pratique des hautes études, revient pour Afrik.com sur les dernières propositions de Nicolas Sarkozy en matière de délinquance et d’immigration.

” La délinquance est liée à la pauvreté. Les milieux immigrés ou issus de l’immigration étant dans la catégorie des défavorisés économiquement, il n’y a rien d’étonnant à cela.”

Afrik.com : La France étant un pays d’immigration, qui sont les «étrangers» visés par Nicolas Sarkozy ? Sur quels critères va-t-on définir ces étrangers ? Parents étrangers, grands-parents ?

Esther Benbassa : Les étrangers qui obsèdent le gouvernement aujourd’hui ce sont les musulmans et leurs descendants, plus que les Noirs. N’oublions pas que la décolonisation de l’Algérie n’a pas été encore digérée en France. Une partie du public y est encore très sensible. La France postcoloniale n’a pas su gérer son immigration, surtout l’installation définitive de ces immigrés en France. Les peurs de l’Arabe et de l’islam ont été également bien travaillées après le 11 septembre. Les Noirs sont aussi concernés par le rejet de l’étranger qu’on cultive en France et ces étrangers sont principalement issus du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne.

Quand on regarde l’histoire, on constate que la France a toujours eu du mal avec ses étrangers, n’oublions pas les Italiens, les Espagnols, les Portugais, les Polonais qui ont précédé les Maghrebins et les Africains. La France a aussi rejeté ses Juifs. On ne va pas rappeler les grandes campagnes antisémites du XIXe siècle et des années 1930, qui ont abouti, avec la guerre, à leur déportation.

Peut-être la France constitue-t-elle son identité française contre l’Autre. Celui-ci, lorsqu’il est chrétien, est plus ou moins accepté, mais lorsqu’il est d’une autre religion monothéiste, la question se pose différemment. Le rejet de l’étranger ou de celui qu’on désigne encore étranger traverse toute l’Europe et devient un thème de campagne important pour les partis d’extrême droite. Hier les juifs, aujourd’hui les musulmans, et on continue. La peur que ressent l’Europe de perdre sa spécificité face à la mondialisation n’est pas étrangère à cet enfermement sur soi qu’on retrouve un peu partout.

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