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Au palmarès de l’économie souterraine, les Hadjeras, de Tourcoing, décrochent la médaille d’or. Le père, la mère et les six fils, trafiquants notoires, tous condamnés, pointaient au RMI mais possédaient 95 comptes en banque, sur lesquels ils avaient déposé quelque 900 000 euros. Ils détenaient aussi onze appartements, 40 000 euros en bijoux. Même la grand-mère, pourtant décédée depuis dix ans, avait «placé» plus de 13 000 euros à la banque.

Des armes juridiques devraient permettre de les déposséder de leur patrimoine

Quand le commissaire Perez-Baquey, patron de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), évoque l’argent sale en banlieue, l’exemple de cette famille lui vient instantanément à l’esprit.

À l’entendre, les voyous ont parfaitement intégré dans leur «plan de carrière» le passage par la case prison. «Mais pas la confiscation du grisbi,» assure l’un de ses adjoints. Or c’est bien ce qui chagrine toutes ces familles versées dans le recel ou les stups. Dans quelques semaines, la justice sera en droit de confisquer les avoirs criminels dès la phase de l’enquête préliminaire ou du flagrant délit. Le parquet pourra prendre des mesures conservatoires, comme le fait le juge d’instruction : prises de gages, d’hypothèques sur des biens meubles ou immeubles. «Pour éviter que les gens se rendent insolvables avant le jugement,» confie le commandant Patricia Mathys, chef de la plateforme d’identification des avoirs criminels (Piac) de la PJ.

Toutes ces mesures figurent dans la proposition de loi Warsmann bientôt discutée au Sénat. «C’est une véritable révolution juridique», s’enthou­siasme Christophe Perez-Baquey. Désormais, les 4 × 4 et autres voitures de luxe des voyous pourront être vendues sans attendre par les Domaines. «Le scandale de la conservation des véhicules en plein air dans les fourrières, qui induit des frais de garde considérables pour l’État» est terminé, se réjouit Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois à l’Assemblée. La justice pourra aussi saisir leurs parts de sociétés selon une procédure simplifiée. Jusqu’alors, beaucoup de magistrats préféraient renoncer.

Ce jour-là, à l’OCRGDF, quinze suspects sont en garde à vue. Le gérant de fait d’une boîte de nuit vient de tomber en région parisienne avec tout son réseau. «Ils sont malins, explique un policier. Désormais, les gros voyous ne sont plus propriétaires. Sur le papier, tout appartient à des proches. Et ils louent leurs voitures à des sociétés créées sous des prête-noms pour apparaître comme de simples clients.» Le commissaire Julien Santaga, numéro deux du service, l’affirme : «Dans cette logique clanique, chacun joue son rôle : le trafic pour les garçons, le blanchiment pour les filles et le bas de laine chez les parents.»

Sur les murs de son service s’étendent des listings de plusieurs mètres, comme des arbres généalogiques établis pour remonter aux bénéficiaires de montages parfois complexes. «Les familles sont multicartes», explique l’un des cinq gendarmes affectés à la Piac. Outre le trafic de drogue et le recel de véhicules volés, le millier de clans qui tient l’économie des quartiers en France investit dans la contrefaçon.

Par ailleurs, «les escroqueries au guichet de l’État sont devenues un sport,» assure le chef de l’OCRGDF : fraudes aux Assedic, à l’Assurance-maladie, sur fond de fausse déclaration d’accident. «Ce ne sont pas des cas isolés, c’est un système qui prospère et s’amplifie avec la crise

Le commissaire Perez-Baquey a, depuis son bureau, une vue imprenable sur la cité Pablo-Picasso à Nanterre. Ce quartier, mis en coupe réglée par quelques familles, n’a pas bougé une oreille durant les émeutes de 2005. Un «signe» inquiétant, estime le divisionnaire. «Il faut les viser au portefeuille, c’est le seul moyen

Au pied de ces tours sans âme, un guetteur de 12 ans touche jusqu’à 1 500 euros par semaine… Le Figaro

Pour mémoire: Jour de mariage dans la “Zone Urbaine Sensible” de Pontanezen à Brest (29)

François de Souche

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