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Le rebond de la croissance chinoise (+ 7,9 % sur un an au deuxième trimestre 2009 ; un chiffre néanmoins plus faible que ceux des années précédentes) est dû au plan de relance gouvernemental de 4.000 milliards de yuans (585 milliards de dollars) mis en place pour lutter contre la crise.

Les exportations, principal moteur de cette croissance, étaient en baisse de 23,4 % sur un an en août (Source). Or, entre 2001 et 2008, elles ont représenté plus de 30 % du PIB chinois. Quelle peut être l’alternative, compte tenu de la faiblesse de la demande intérieure ?

A partir de la fin de l’année 2008, les licenciements se sont multipliés, particulièrement dans les régions côtières du sud, tournées vers l’export, comme celle du Fujian et du Guangdong. Dans cette dernière province, plus de la moitié des 3.900 fabricants de jouets avaient mis la clé sous la porte avant Noël. Et selon les estimations de l’Académie chinoise des sciences sociales, un institut de recherche local, le taux de chômage dans les zones urbaines s’élevait à plus de 9,4 % à la fin de l’année.

Ces chiffres sont d’autant plus inquiétants que la montée des tensions sociales menace toujours la Chine. A défaut d’être démocratique, le régime tire l’essentiel de sa légitimité de sa capacité à créer des emplois et craint d’être remis en cause s’il n’enraye pas la montée du chômage. Pour le moment, la stabilité politique semble être préservée, car les destructions de postes touchent d’abord les travailleurs migrants, peu à même de s’organiser. « Il y a un certain mécontentement dans les villes où il y a du chômage. Ce n’est pas un mouvement politique qui se développe mais cela oblige le gouvernement à maintenir une croissance aussi forte que possible », explique Françoise Lemoine, économiste au centre de recherche Cepii.

Une tâche d’autant plus difficile que les relais de croissance disponibles sont moins nombreux qu’avant la crise. Les exportations ont progressé de plus de 10 % entre les mois de juin et juillet, mais leur niveau reste très bas. Les perspectives futures demeurent mauvaises car les consommateurs américains, qui comptent parmi les principaux destinataires des produits chinois, préfèrent désormais l’épargne à la consommation. Selon un rapport de la Banque mondiale, les exportations devraient croître moins rapidement dans les dix ans à venir qu’au cours de la précédente décennie.

A défaut de pouvoir compter sur la demande extérieure, la Chine pourrait se tourner vers sa consommation intérieure. Avec 1,3 milliard d’habitants, le pays représente théoriquement un marché énorme.

Les classes riche et moyenne regrouperaient 430 millions de personnes, selon une étude du HEC Eurasian Institute.

En réalité, ce chiffre est très surestimé, dans la mesure où les critères (revenus, éducation, mode de vie…) pris en compte en Chine pour définir la classe moyenne, sont bien inférieurs à ceux utilisés dans le même but en Occident.

En 2004, 35 millions de personnes seulement, soit 2,8 % de la population, appartenaient objectivement à la classe moyenne, de par leur niveau de vie (Source). Il est difficile de croire que ce chiffre ait pu être multiplié par douze en cinq ans, malgré la croissance. Même ceux qui souhaitent l’avènement d’une “moyennisation de la société” chinoise, ne sont pas dupes (Source). Au contraire, les inégalités se sont encore accrues. (Source)

Ce ne sont pas les quelque 825.000 millionnaires (en dollars) répertoriés en avril 2009 (Source), dans un pays où le revenu moyen (2.000 dollars par an en 2006) est 22 fois inférieur à celui d’un citoyen des États-Unis (Source), qui contrediront cette information.

Autre illustration de cette incapacité à créer une réelle demande intérieure : la bulle immobilière empêche la population urbaine d’accéder à la propriété, ce qui marque une nette différence par rapport à l’Occident. Sources : 123

En fait, la part de la consommation dans le PIB a beaucoup baissé au cours de la dernière année, pour tomber à 36 % aujourd’hui. C’est moitié moins qu’aux États-Unis. Avec les réformes de libéralisation des années 90, le système de protection sociale a été démantelé. Les foyers chinois préfèrent donc mettre de l’argent de côté pour pouvoir se soigner et pour financer les études supérieures de leurs enfants.

Cette faiblesse de la demande intérieure rend l’économie chinoise très vulnérable aux chocs extérieurs, et le gouvernement en a bien conscience. En 2007, déjà, le Premier ministre Wen Jiabao avouait : « Le plus gros problème de l’économie chinoise, c’est que sa croissance est instable, déséquilibrée, peu coordonnée et insoutenable. » Le onzième plan quinquennal (2006-2010) avait notamment pour but de rééquilibrer la croissance. « Mais ses objectifs n’ont pas été atteints », affirme Françoise Lemoine.

Il faut dire que la crise a modifié les priorités du gouvernement. Devant le recul du PIB, il a d’abord privilégié le soutien de l’activité.

L’essentiel du programme de soutien à l’économie a servi à relancer l’industrie avec de grands projets d’infrastructures, comme la construction d’aéroports, de routes ou de lignes de chemin de fer. Le gouvernement a encouragé l’achat de voitures propres et de produits électroniques par le biais de subventions, ce qui a notamment soutenu la demande rurale. Cependant, « le plan de relance n’a pas été conçu dans l’intérêt de la consommation des ménages », souligne Bei Xu, économiste chez Natixis.

Les réformes qui permettraient à la Chine de soutenir sa croissance, sans reprise solide des exportations, sont toujours à mettre en œuvre. Récemment, le pays a décidé de généraliser le système de Sécurité sociale. Il est encore trop tôt pour juger de son efficacité. Son impact sera en tout cas limité car il ne s’appliquera qu’aux zones urbaines.

Surtout, le manque de protection sociale ne doit pas occulter les autres problèmes. Car la richesse chinoise reste le monopole des grandes entreprises industrielles, contrôlées par l’État. Contrairement aux PME, elles ont un accès au crédit très facile et elles ont été les premières à bénéficier du plan de relance. Preuve évidente des déséquilibres chinois, les secteurs sidérurgique et pétrochimique dominés par ce type d’entreprise, sont aujourd’hui en surcapacité de production. Ces géants ne distribuent pas plus de dividendes qu’ils n’augmentent les salaires.

Enfin, contrairement au secteur des services ou aux petites entreprises, ils n’embauchent pas beaucoup. Autant d’éléments qui nuisent à l’emploi, aux salaires et donc à la consommation privée.

D’où les préconisations des économistes du cabinet de conseil McKinsey : « Les banques devraient être encouragées à supporter le secteur des services ainsi que les petites et moyennes entreprises », expliquent-ils. Car, avec sa répartition sectorielle déséquilibrée, « l’économie crée trop peu d’emplois pour sa taille et son niveau de croissance ».

« Ce sont des changements qui relèvent de la tectonique des plaques. Les progrès, s’ils arrivent, seront extrêmement lents », explique Hervé Lievore, stratégiste chez Axa AM. Car les disparités régionales sont très fortes et la structure politique freine les réformes structurelles.

Les dirigeants chinois manifestent leur volonté de stimuler la demande intérieure :

” Pour Wen Jiabao, la demande intérieure est nécessaire à la croissance économique

Le Premier ministre chinois Wen Jiabao a déclaré [le 10 septembre 2009] que la Chine attachait une grande importance à la restructuration de son économie, et qu’elle s’efforcerait de stimuler la croissance économique en soutenant la demande intérieure.

Nous devons nous concentrer sur la restructuration économique, et déployer davantage d’efforts pour renforcer le rôle joué par la demande intérieure, et en particulier celui de la consommation finale dans la stimulation de la croissance“, a indiqué Wen Jiabao, dans un discours prononcé lors de la cérémonie d’ouverture du Forum de Davos d’été 2009 à la ville portuaire de Dalian, dans la province du Liaoning (nord-est).

Promouvoir la demande intérieure est une politique stratégique à long terme pour la croissance économique de la Chine, et aussi le moyen pour nous de lutter contre la crise financière, et d’éviter les risques exogènes, a-t-il ajouté.

La Chine doit en particulier augmenter la part de la consommation dans la demande intérieure, élever les revenus urbains et ruraux, améliorer les attentes des consommateurs, et renforcer la volonté et la capacité du peuple à dépenser, a souligné le Premier ministre chinois.

La Chine maintiendra une croissance rationnelle des investissements et optimisera la structure des investissements, a-t-il poursuivi.

Nous allons accélérer le développement du secteur des services et en faire un lien clé dans la restructuration économique, une tâche prioritaire dans la promotion de la demande intérieure, et un facteur important dans la promotion d’une croissance équilibrée de l’offre et de la demande“, a ajouté Wen Jiabao. “ (Source)

Cette volonté suffira-t-elle ?

Il est permis d’en douter.

D’autant plus que vouloir développer les services, dans un pays où l’immense majorité de la population ne possède même pas les biens d’équipement ménager élémentaires en Europe depuis cinquante ans (Source), ressemble davantage à un voeu pieux qu’à une véritable perspective et surtout, revient à brûler une étape.

Ironie du sort, la Chine fabrique des biens que la plupart de ses habitants ne peuvent se payer.

Dès lors que les exportations chutent, le problème paraît insoluble.

En effet, les plans de relance massifs ne représentent pas une solution à long terme et, au contraire, favorisent la formation de bulles, qui menacent la stabilité économique.

Il est peu probable que la Chine tire l’économie mondiale hors de la récession parce que sa propre reprise est déséquilibrée, se fondant surtout sur l’investissement en actifs immobilisés‘, a [déclaré le 10 septembre 2009] Stephen Roach, président de Morgan Stanley Asie (…), ajoutant que le risque de bulles spéculatives est bien réel en Chine à la suite du boom du crédit observé au premier semestre.

Les banques chinoises ont accordé 7.370 milliards de yuans ($1.079 milliard) de crédits au premier semestre, un record qui fait craindre l’émergence de bulles spéculatives en Bourse et dans l’immobilier.(Source)

Quel est, tôt ou tard, le destin d’une bulle, sinon d’éclater ?

Le mythe de la superpuissance chinoise, vouée à dominer le monde dans les dix à trente ans qui viennent, a décidément du plomb dans l’aile.

(L’essentiel de cet article est tiré du Journal des Finances)

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