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Par Pascal Bruckner

En quelques mots, la fameuse apostrophe de Nicolas Anelka à Raymond Domenech en Afrique du Sud, le 17 juin : “Va te faire enculer, sale fils de pute !”, condense une certaine dérive française. Cette insulte, aussi répandue à l’école que dans la rue, signifie en premier lieu l’inquiétude généalogique, l’angoisse, fréquente pour les déracinés, de ne pas savoir d’où ils viennent, qui est leur père et donc leur patrie.

Un “fils de pute”, fruit d’amours anonymes, n’est l’enfant de personne, un bâtard procréé par une chienne, pour filer la métaphore. La France elle-même, dans de nombreuses chansons de rap, est représentée comme une “putain” coupable de s’être mélangée à tous les peuples de la planète et d’être aujourd’hui perdue dans un monde qui la dépasse. Si ta mère n’est qu’une traînée, tu es toi-même le fruit du hasard, un être inutile et vain qui n’est pas sûr de ses ancêtres.

(…) elle trahit un niveau de rage sociale, d’appauvrissement du vocabulaire, de mépris de l’autre et de soi-même qui est préoccupant.

La grossièreté n’est pas qu’un manque d’éducation ou de contrôle sur soi : elle est aussi un symptôme d’échec collectif.

Le Monde

(Merci à Jean)

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