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Attention ! Hausse des tarifs d’électricité en vue (+ 25 % en 4 ans). Les députés examinent le projet de réforme du marché de l’électricité, présenté comme le plus important depuis l’après-guerre et qui vise à entamer la domination de l’ancien monopole public EDF tout en garantissant des prix régulés pour les particuliers.

Annoncé en septembre 2009 par le Premier ministre, le projet de loi Nome (Nouvelle Organisation du Marché de l’Électricité) a été en grande partie élaboré sous pression de la Commission européenne. Bruxelles a en effet engagé plusieurs procédures contre la France visant les tarifs réglementés proposés par EDF aux entreprises hexagonales. Ces tarifs, fixés par l’État et inférieurs aux prix de marché, sont susceptibles de constituer une distorsion de concurrence en faveur des entreprises françaises, selon la Commission.

Si elle est adoptée, cette réforme va obliger EDF à céder, à prix coûtant, jusqu’à un quart de la production d’électricité de son parc nucléaire à ses concurrents (GDF Suez, Poweo, Direct Énergie). Mais elle devrait aussi provoquer une augmentation des tarifs de l’électricité pour les ménages de 11,4 % dès 2011 puis de 3,5 % par an, soit jusqu’à 25 % d’ici à 2015.

Le gouvernement a donc choisi la voie qui vise à permettre aux fournisseurs alternatifs d’accéder à l’électricité bon marché produite par les 58 réacteurs nucléaires français. Ce parc nucléaire confère actuellement un avantage compétitif à EDF, que ses concurrents ne parviennent pas à entamer. La réforme prévoit aussi la suppression des tarifs réglementés pour les entreprises mais leur maintien pour les particuliers, une disposition appréciée par les associations de consommateurs.

La gauche est opposée à ce projet. Le PS dénonce une « loi d’ajustement aux injonctions de la Commission européenne » et plaide pour une révision de la réglementation européenne « qui n’est plus du tout adaptée à la situation actuelle ». Les syndicats sont tout aussi critiques. « Les tarifs d’électricité vont augmenter pour permettre la concurrence », dénonce la CGT.

Compteurs communicants d’une part, nouvelle organisation du marché de l’autre : les tarifs pourraient grimper significativement au détriment du consommateur.

Les ménages deux fois perdants

Evens Salies est expert en énergie à l’Observatoire français des conjonctures économiques. Il explique les raisons et les enjeux de la loi visant à réformer le marché de l’électricité.

Cette réforme peut-elle se solder autrement que par une augmentation des tarifs d’EDF ?

Cette hausse est inévitable du point de vue des investissements parce que EDF va devoir faire face à de gros investissements bientôt autant sur les barrages hydrauliques et hydroélectriques que pour remplacer progressivement le parc nucléaire. Mais cette hausse des tarifs pourrait avoir des vertus car elle pourrait envoyer un signal aux ménages afin qu’ils modèrent leur consommation d’électricité.

Mais comment s’explique une hausse aussi importante ?

EDF a gaspillé beaucoup d’argent dans des acquisitions et des investissements à l’étranger. Ainsi par exemple, lors de la libéralisation du marché britannique, elle s’est lancée dans des achats de réseaux de distribution britanniques. Il y a également eu beaucoup de participation dans le capital d’entreprises européennes. Ça a coûté beaucoup à EDF, alors que cet argent aurait pu être utilisé au renouvellement de son parc. Aujourd’hui, EDF essaie de trouver de l’argent ailleurs parce qu’elle en a perdu avec ses investissements. Mais est-ce normal de faire payer le consommateur ? Les ménages sont perdants deux fois : ils ont financé des investissements peu rentables et maintenant ils vont subir une hausse des tarifs.

Les consommateurs vont-ils modérer pour autant leur consommation ?

Plutôt que d’augmenter les prix, il vaudrait mieux faire des tarifs progressifs.

Cette hausse des tarifs ne risque-t-elle pas de faire perdre des clients à EDF ?

Non. EDF sait très bien qu’elle va garder la grande majorité de ses clients. Les gens n’aiment pas changer d’opérateur car ils craignent des coûts de migration élevés pour aller à la concurrence.

Ouverture a la concurrence : la pression de Bruxelles

Les injonctions de Bruxelles se suivent et se ressemblent. Après l’ouverture à la concurrence des télécoms, de la Poste, des transports, c’est au tour d’EDF d’entrer dans cette logique qui affecte les services publics sous la pression européenne. Quel que soit le secteur, les ressorts de cette évolution sont toujours présentés de manière identique : la concurrence doit amener de nouvelles activités porteuses d’innovations, et un plus grand nombre d’opérateurs doit procurer le choix aux consommateurs et faire baisser les tarifs. Le résultat n’est pas aussi idyllique. En ce qui concerne EDF, les prix devraient augmenter. Jusqu’à 25 % d’ici 2015.

En optant pour une hausse par paliers, bien que le premier se situe à un niveau élevé (11 % en 2011), l’entreprise pense qu’elle ne perdra guère de clients. Mais l’électricité est un produit bien différent des autres secteurs déjà ouverts à la concurrence. Elle est vitale dans la vie quotidienne et ne se stocke pas. « Enfin, ajoute le député PS François Brottes, on veut appliquer les mêmes critères dans tous les pays d’Europe alors que notre système français est très particulier avec la place qu’y occupe le nucléaire. Cette réforme donne l’illusion à Bruxelles qu’on va rentrer dans les clous alors qu’elle va dégrader la situation

La Dépêche

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