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Par Gilles Bonafi

On entend ici où là des voix affirmant que l’Europe va imploser et que la Grèce, malgré l’adoption du plan d’austérité, sera la première à tomber, suivie de l’Espagne, du Portugal et de l’Italie.

Cela ne se fera pas, car tous les pays européens sont interconnectés au sein d’un immense jeu de domino financier, de dettes.

En effet, la défaillance de l’un entraînerait obligatoirement les autres dans leurs chutes.

Pour prouver ceci, rien ne vaut un bon graphique qui démontre l’interconnexion européenne des dettes :

(Cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Ce graphique a été publié le 1er mai par le New York Times. Il met en évidence le caractère inextricable des finances publiques des PIIGS. Un simple coup d’oeil suffit pour comprendre “l’effet domino.” Plus la flèche est épaisse, plus la dette est importante.

De plus, de grandes banques européennes sont directement exposées en Grèce, comme le Crédit Agricole qui est, d’après le Wall Street Job Report, la banque la plus touchée par la crise ! En août 2006, le Crédit Agricole avait en effet pris le contrôle de 72% de la banque Emporiki (troisième en nombre d’agences et cinquième par les actifs en Grèce) pour 2 milliards d’euros. Emporiki avait ainsi généré une perte nette de 582,6 Millions d’Euros en 2009, de gros soucis à venir donc !

Selon les statistiques de la Banque des règlements internationaux, en ajoutant l’Espagne et le Portugal, l’exposition des banques françaises grimperait à 306 milliards de dollars, du suicide si l’on abandonnait ces pays !

La seule solution réside donc dans la création d’une « structure de défaisance », nous permettant de racheter les créances douteuses ; une Agence Européenne du Trésor, empruntant au nom de l’Europe.

Un CERS, Comité européen du risque systémique, va être mis en place bientôt, ainsi qu’un trésor européen (FME), associé à un Système européen de surveillance financière (SESF). Pour ceux qui veulent des précisions : cliquez ici.

Pour s’en convaincre, il suffit de lire les déclarations récentes de l’ensemble des acteurs majeurs de cette crise systémique, dont voici la liste :

– Dominique Strauss-Kahn directeur général du FMI en mars 2010 : « On a besoin d’une autorité européenne de résolution (des crises), dotée du pouvoir et des instruments pour gérer au meilleur coût le cas des défaillances de banques transfrontalières. ».

– Jacques Attali dans son article « Dirigeants de l’Europe , agissez ! » le 4 mai 2010 : « Il suffit de décider, dès demain, de la création d’une Agence européenne du Trésor, immédiatement autorisée à emprunter au nom de l’Union, et d’un Fonds budgétaire européen, immédiatement mandaté pour contrôler les dépenses budgétaires des pays dont la dette dépasse les 80 % du PIB. »

– Philippe Chalmin Professeur d’économie à Paris Dauphine, membre du Conseil d’analyse économique auprès du Premier Ministre le 8 mai 2010 : « Aux souverainistes qui tentent de vendre leur soupe anti-européenne à l’occasion de la crise financière, il faut répondre qu’aujourd’hui il ne faut pas moins d’Europe, mais plus d’Europe. Dès le début, il a manqué à l’Europe, une gouvernance politique et les outils qui vont avec, pour faire de l’Union européenne une entité efficace. L’Europe doit avoir son propre budget, son propre impôt, pour intervenir directement sur les problèmes européens. Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, fait ce qu’il peut mais, par exemple, nous n’avons toujours pas de secrétaire au Trésor européen. »

– le ministre de l’Économie allemand Rainer Brüderle dans un article du 10 mars 2010 sur Reuters : « Tout fonds européen qui serait créé pour renflouer des économies en difficulté de la zone euro, ne devrait intervenir que si c’était l’ensemble de la région qui était menacé par le risque d’insolvabilité d’un État membre. »

Dans une lettre datée du 8 mars adressée au ministre des Finances Wolfgang Schäuble, Rainer Brüderle explique « qu’un éventuel Fonds monétaire européen (FME) ne devrait venir en aide qu’aux pays de la zone euro ayant des problèmes de déficit public et seulement en cas de risque d’insolvabilité. »

Cependant, il faut le rappeler, le problème économique actuel dépasse le cadre de la dette des Etats. Nous sommes en effet face à une crise de la dette, ce qui s’illustre par les différentes phases du krach actuel :

– dettes des particuliers et surtout des “pauvres” qui ne peuvent plus rembourser leurs crédits : les subprimes. Plus de 12 000 maisons sont saisies chaque jour aux USA !

– dette des banques, le problème du manque de liquidités par le non remboursement des crédits, l’impact de la crise et la chute des CDS. Il faudrait rajouter la dette des entreprises, qui s’envole.

– dette des Etats, qui injectent des milliers de milliards dans les banques et l’économie, pour maintenir à flot le système.

Il faudra bientôt aller chercher l’argent ailleurs, dans une structure supranationale, le FMI avec ses petits satellites futurs (FME). Vous l’avez donc compris, pour résoudre le problème de la dette, on va créer une nouvelle montagne de dette !

Une gigantesque fuite en avant, car notre système économique fonctionne selon un triptyque qui n’a aucun sens : dette = consommation = travail. Il faudrait préciser, de plus, que la consommation détruit notre biosphère !

Pire que tout, le pacte social est brisé, car c’est le peuple qui est en train de passer à la caisse, pour une crise provoquée par le gotha de la finance. Les acquis sociaux, les aides sociales se réduisent comme peau de chagrin, les retraites ne seront bientôt plus qu’un souvenir et le nombre de personnes perdant leur emploi, explose. La création d’un FME, CERS ou autre organisme, ne pourra que retarder une échéance qui sera fatale et le chômage, quoi que l’on fasse, suivra l’exemple de l’Espagne qui a dépassé les 20 % (officiels) de chômeurs.

L’écrivain Frédéric Rotolo, dans un de ses mails parlant de la crise grecque, m’écrivait : “Vous avez vu certainement les Grecs, hier, tenter de rentrer dans le Parlement… Comme l’idée de la République, l’idée d’une révolution nous viendra-t-elle d’eux ? Pourtant, s’ils parvenaient à rentrer dans leur Assemblée, ou au ministère des finances, ils devraient alors s’apercevoir que, même de ces postes-là, on ne peut plus contrôler l’économie mondiale… Que leurs gouvernants sont, au mieux, des exécutants de la grande finance, voire même des figurants, des fusibles. Les machines du trading quantique sont plus puissantes qu’eux. Ainsi, la volonté humaine reste toujours soucieuse d’échapper à l’état de nature, de s’en éloigner le plus possible, de le nier puisqu’il met en cause sa puissance, quitte à verser dans un monde ou une économie tout à fait illusoire. Quelle sera la réaction des peuples, quand ils comprendront que le pouvoir est dématérialisé, virtuel, peut-être intouchable ?

Le pacte social, le lien qui unit le seigneur à son esclave, est en effet brisé, car nos élites sont désormais incapables de garantir le minimum, c’est-à-dire fournir du travail. Les lois se durcissent partout et la démocratie est en danger. Les émeutes grecques ne sont que le signal de départ de troubles à venir.

Albert Camus affirmait : « Que préfères-tu, celui qui veut te priver de pain au nom de la liberté, ou celui qui veut t’enlever ta liberté pour assurer ton pain ? » Nous pouvons répondre aujourd’hui, ni l’un ni l’autre, car la liberté n’est pas un cadeau que l’on reçoit, mais un trésor que l’on arrache.

Gilles Bonafi

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