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Par Pierre Dockès.

La perspective d’un second plongeon est devant nous. Le risque, cette fois, est d’abord européen, mais une répercussion vers les États-Unis où la reprise est précaire, comme cela a été le cas en 1931-1933, ne saurait être exclue.

La crise de 2007-2009 avait une double base, l’éclatement d’une bulle immobilière et financière dégénérant en crise bancaire, et une crise mondiale de suraccumulation du capital. De cette dernière, la Chine était la source principale, mais elle exportait ses conséquences avec ses capitaux et ses marchandises.

Ce ne fut pas une crise de sous-consommation et les politiques suivies face à la récession ont évité le processus cumulatif classique via la chute de la demande des ménages. Certes, l’Allemagne avait précocement joué sur la baisse de la consommation pour accroître ses exportations, certes, avec l’effondrement de la bulle immobilière, le resserrement du crédit et la récession elle-même, la consommation a diminué aux États-Unis, mais elle reprend aujourd’hui. En France, elle a relativement bien tenu. Aujourd’hui, si la reprise est forte dans les pays émergents, elle est fragile aux États-Unis, à peine perceptible en Europe et le Japon est en déflation. Alors, le bout du tunnel ? On peut en douter, un choc de demande, d’abord celle des ménages, est probable.

Les politiques d’austérité risquent de provoquer un second plongeon. L’Europe est en première ligne, mais elle n’aura pas le monopole des politiques d’austérité et les États-Unis ne prolongeront pas leur politique de soutien de l’économie.

D’un point de vue général, la transition des politiques actives – nécessaires pour éviter l’effondrement conjoncturel -à des politiques d’absorption des liquidités en excès et de réduction des déficits conduit à une contradiction très difficile à gérer, et pas seulement pour des raisons de timing.

En effet, en l’absence de telles politiques de réabsorption, le risque est non seulement une crise des dettes souveraines, comme on le voit, mais à plus long terme, il est de reconstruire les conditions de nouvelles bulles, donc d’une nouvelle crise plus grave encore.

Pourquoi surtout l’Europe, la zone euro, puisque partout la récession a réduit les recettes tandis que la lutte contre la crise a accru les dépenses ? Les États-Unis, plus encore la Grande-Bretagne ou le Japon n’ont-ils pas des problèmes de déficit budgétaire et de dette importants ? Cela tient à la caractéristique essentielle de la zone euro : l’existence d’une monnaie unique avec des politiques économiques nationales différentes, d’où un risque d’éclatement. Si la crise de la dette souveraine a commencé par les États dont les finances sont les plus fragiles du fait de politiques inconséquentes (Grèce, Portugal), de proche en proche c’est l’Espagne, l’Italie, voire la France, qui risquent d’être affectées.

Plus généralement, l’absence d’une coopération centralisée en Europe laisse la bride sur le cou à la logique de déflation compétitive alors que la solution serait de maintenir des politiques compréhensives concertées jusqu’à la fin de 2011. Le plan d’aide à la Grèce est acté, mais il s’accompagne d’une forte dose d’austérité affectant les revenus des ménages, et la rigueur s’est déjà imposée au Portugal, à l’Espagne. Chaque nation est condamnée à suivre la stratégie austère, celles qui ne la joueraient pas étant sanctionnées (et surtout lorsque le meneur du jeu, l’Allemagne, joue non coopératif). Dès lors, comment éviter une contraction de la demande en Europe ?

En outre, les pays à fort déficit comptent sur une reprise pour conforter leurs recettes fiscales. Or cette reprise étant d’ores et déjà condamnée par ces politiques mêmes, les déficits vont s’accroître. Et si la crise des dettes souveraines se développe, elle pourrait dégénérer en une crise bancaire aussi ravageuse que celle due aux « subprimes. »

Avec cette différence qu’aujourd’hui les banques sont fragilisées et les États n’ont plus de munitions : les taux d’intérêt sont déjà très faibles, la création de liquidités a été considérable, la barque des finances publiques est très chargée et les opinions publiques sont exaspérées.

La solution est connue de tous, mais rien ne sert de sauter sur sa chaise en disant « gouvernement économique européen; »  dans la crise, l’Europe sans gouvernail ne peut remonter le vent. Même si le second plongeon est évité, elle subira une nouvelle décennie de stagnation.

Les Échos

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