Fdesouche

Un rapport confidentiel de la Caisse nationale des allocations familiales estime que 2,15 % des bénéficiaires d’allocations sociales, soit 200 000 personnes, sont des fraudeurs.

A l’heure où l’affaire de la conductrice au niqab de Nantes relance le débat sur les fraudes aux prestations sociales, une étude inédite de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) dresse, pour la première fois en France, un état des lieux précis sur cette question sensible. Après avoir épluché 10 500 dossiers représentatifs des allocataires, les auteurs de cette étude confidentielle* en tirent deux conclusions majeures.

Des estimations à la hausse

La première tient lieu de bonne nouvelle : le taux de « bon droit » (prestations versées à bon escient) atteint 96,16 %, un score élevé. En clair : l’immense majorité des assurés ne grugent pas. La mauvaise nouvelle, ensuite : jusqu’à présent, la proportion de fraudeurs a été sous-estimée.

L’impact financier théorique de ces fraudes « serait compris entre 0,91 % et 1,36 % des prestations versées en 2009, soit entre 540 M € et 808 M € » (sur environ 60 Mds € ). Un chiffre nettement supérieur aux données connues à ce jour : en septembre 2009, la Cnaf avait estimé à 9 397 les fraudes recensées en 2008, pour 79,77 M € . Le coût réel serait donc sept à dix fois supérieur aux précédentes estimations…

Le document évoque d’ailleurs un « problème important de détection de la fraude. » Également mené par les autres caisses (maladie, vieillesse, etc.), ce travail exhaustif de recensement devrait permettre à la Cnaf de perfectionner son dispositif antifraude.

« L’an dernier, déjà, nous avons effectué 300 000 contrôles à domicile, » précise Daniel Buchet, en charge de la lutte antifraude à la Caisse nationale d’allocations familiales. Les fraudeurs sont avertis.

A la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), Daniel Buchet explique que les contrôles se sont renforcés ces dernières années pour lutter contre les fraudes.

2 % des allocataires fraudent, c’est peu ou beaucoup selon vous ?

DANIEL BUCHET. C’est bien sûr toujours trop. Mais si l’on se réfère aux idées reçues selon lesquelles les fraudes seraient massives en France, ce travail montre en revanche que ce phénomène reste relativement modéré.

Pourquoi le RMI ou l’allocation parent isolé sont-ils plus souvent détournés de leur objet ? Est-ce du fait de failles plus importantes dans ces dispositifs ?

Il faut surtout y voir l’effet des contrôles : ces prestations étant parmi les plus coûteuses pour la collectivité l’allocation parent isolé oscille souvent entre 560 € et 940 € par mois , elles sont évidemment contrôlées en premier lieu.

La création mi-2009 du RSA (revenu de solidarité active), qui englobe ces deux prestations, peut-elle se traduire par une baisse des fraudes ?

Les conditions requises pour obtenir le RMI ou le RSA étant les mêmes, les fraudes détectées n’ont aucune raison d’être différentes. Cela étant, ces dernières années, notre arsenal antifraude s’est largement étoffé. Non seulement nous réalisons désormais 300 000 contrôles à domicile chaque année, mais, grâce au développement de nos outils juridiques, nous recoupons mieux les informations sur les allocataires.

Des exemples ?

Depuis deux ans, nous sommes en droit de demander certains documents directement aux assurés, mais aussi à certains organismes : relevés de comptes bancaires, factures EDF, opérateurs téléphoniques, etc. Cela nous permet de connaître le train de vie réel d’un allocataire ou encore de nous assurer du caractère avéré, ou fictif, d’un célibat déclaré. Nous avons également mis sur pied des comités de lutte départementaux contre la fraude, qui permettent aux caisses d’allocations familiales de recouper rapidement leurs données avec le fisc, pôle emploi, la gendarmerie, etc. Enfin, nous attendons l’accord de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) pour pouvoir utiliser un fichier national interne à notre réseau, qui répertoriera tous les fraudeurs.

Lancez-vous parfois des contrôles sur la base de dénonciations ?

Lorsque les faits décrits nous paraissent sérieux et argumentés, oui. Qu’il s’agisse de voisins ou d’anciens conjoints… nous recevons environ 1 600 lettres par an.

* « Bilan de l’opération nationale d’évaluation de la qualité des droits payés et des risques », avril 2010.

Le Parisien

Fdesouche sur les réseaux sociaux