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Par le Père Augustin

L’Evangile d’aujourd’hui est un peu difficile. Plus exactement il est difficile de comprendre son importance : « Encore un peu de temps et vous ne me verrez plus et puis un peu de temps et vous me verrez ». Et les apôtres de se demander non pas : où va-t-il ? Mais : « Qu’est-ce que ce peu de temps dont il parle ? »
Pour nous le faire comprendre le Christ évoque ensuite la femme enceinte, qui, elle aussi est en quelque sorte prisonnière du temps, prisonnière de ses angoisses mais destinée à la joie, après sa délivrance et la naissance : « Quand l’enfant est né, elle oublie ses souffrances, toute joyeuse d’avoir mis au monde un être humain ».
Qu’est-ce que ce peu de temps ? C’est le temps entre la mort et la résurrection du Christ. Mais c’est aussi le temps de notre propre vie, entre le néant, à partir duquel nous avons été créé et l’éternité à laquelle nous sommes appelés. Durant ce temps, nous ne voyons pas le Christ. Mais nous sommes, dans ce peu de temps, en une gestation. Pour parler comme saint Paul, nous faisons naître l’homme nouveau, non sans douleurs. Nous sommes tous des femmes enceintes… si je puis risquer cette formule. Nous sommes « enceints » de nous-mêmes. Ce qui est difficile, entre attente et angoisse, c’est le « peu de temps » qui est celui… de notre grossesse si nous voulons filer la métaphore. En utilisant le même registre métaphorique, le Christ avait dit à Nicodème : « Il faut naître de nouveau – Faut-il entrer dans le sein de sa mère et en ressortir ? avait demandé, faussement dubitatif le riche Nicodème – Il faut naître de l’eau et de l’esprit, avait répondu Jésus ».
L’eau est bien sûr l’eau du baptême. Mais cela ne servirait à rien de renaître « de l’eau seulement ». L’eau est le signe visible de l’esprit invisible. Il faut renaître de l’esprit.

Que signifie : renaître de l’esprit ?
Dans l’anthropologie que l’on trouve partout dans le Nouveau Testament, il y a trois composantes dans l’homme : le corps, l’âme et l’esprit (voir par exemple de manière un peu formelle I Cor. 15). Ni le corps ni l’âme, nous ne pouvons les changer. Le corps détermine notre personnalité à travers le sexe, mais aussi la plus ou moins grande endurance dont nous jouissons. L’âme ? Le principe de vie, c’est notre personnalité face au monde. Avoir une âme, c’est faire face.
Mais l’esprit ? « Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes » dit quelque part Jésus aux apôtres qui lui demandait que le feu du ciel descende sur un village qui (intifada déjà) les avait reçu à coups de pierres. Je dirai pour faire vite que l’esprit ce n’est pas seulement notre manière d’être face au monde. L’attitude des disciples qui veulent se venger du mépris rencontré sur leur chemin est significative de bien autre chose. L’esprit, pour faire vite, c’est notre position par rapport à l’infini. C’est notre attitude par rapport à l’Absolu. Qu’est-ce qui nous met en mouvement ? Qu’est-ce qui, profondément, nous fait réagir ? Qu’est-ce qui nous reste quand nous avons tout oublié ? On dirait aujourd’hui de manière horrible – très connotée CAC 40 : « Quelles sont nos valeurs ? ».
Cet esprit, nous pouvons et nous devons le changer. C’est la nouvelle naissance, « de l’eau et de l’esprit », une naissance dans l’esprit divin, qui puisse mettre un terme à notre porosité face à l’esprit malin.
De quel esprit nous sommes ? – De cet esprit qui enseigne que l’amour provient de l’oubli de soi. Faire triompher en nous cet esprit-là c’est découvrir une puissance étrange (c’est Mitterrand face à sa mort qui parlait « des puissances de l’esprit » ou des « forces de l’esprit » en disant : « J’y crois ») – puissance qui transforme notre vie en vie éternelle, c’est-à-dire qui nous fait définitivement accoucher de nous-mêmes.

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