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La trop grande indépendance de plusieurs organismes d’études ou de recherches économiques indispose le gouvernement. «Personne n’aime le messager porteur de mauvaises nouvelles.»

Si la célèbre formule de l’Antigone de Sophocle est passée à la postérité, c’est naturellement qu’elle joue en de très nombreux domaines. Les statisticiens ou les économistes en savent quelque chose : quand leurs prévisions sont alarmistes, quand leurs diagnostics mettent en cause la pertinence des politiques économiques, il leur arrive souvent d’être soumis à la vindicte des gouvernements. Vieille et stupide tentation !

Quand un malade a la fièvre, il peut être tenté de casser le thermomètre qui le lui révèle ; quand un pays est miné par de trop graves fractures sociales, la puissance publique peut avoir la déplorable envie de museler ou d’affaiblir les organismes dont la fonction est d’en établir les radiographies.

C’est en quelque sorte le grave danger qui menace actuellement plusieurs instituts ou organismes de recherche en économie.

Pour être inquiétant, le fait, certes, n’est pas nouveau. Déjà, à la fin de 1993, le gouvernement d’Édouard Balladur avait porté un très mauvais coup à la recherche économique, en supprimant le Centre d’études des revenus et des coûts (CERC), qui s’était fait une spécialité d’étudier la progression en France des inégalités sociales. Agaçant la gauche aussi bien que la droite par ses diagnostics aussi indépendants qu’impertinents, l’organisme avait donc été dissout.

Mais le fait est que depuis l’accession de Nicolas Sarkozy à l’Élysée, la situation s’est encore dégradée. D’abord, le Conseil supérieur de l’emploi, des revenus et des coûts (CSERC), qui était sensé prendre le relais du CERC à partir de 1994, vit actuellement ses derniers jours : le gouvernement de François Fillon a signé son arrêt de mort.

Mais c’est surtout le plus grand et le plus précieux des organismes économiques français, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), qui a le malheur d’indisposer l’Élysée du fait de sa trop grande indépendance.

Déjà, quand il était ministre des Finances, en 2004, Nicolas Sarkozy avait fait apparaître publiquement son agacement contre l’Insee et avait mis en cause la qualité de ses travaux. Et depuis 2007, la salve a repris. D’abord, en application de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), l’Insee a vu plusieurs dizaines d’emplois disparaître. Puis en 2008, le chef de l’État a annoncé sans concertation une délocalisation partielle de l’Institut à Metz, qui a été perçue par beaucoup d’économistes et de statisticiens comme une tentative de démembrement. Et voilà, pour corser le tout, que le ministère du Budget vient d’annoncer à l’Insee une réduction spectaculaire de 20% de ses crédits de fonctionnement pour 2010.

En clair, si ce plan d’austérité est maintenu, l’Insee devra sacrifier nombre de ses missions, qui sont pourtant essentielles à la bonne qualité de l’information économique et donc au bon fonctionnement de la démocratie.

Qui peut croire que l’on peut, sans graves dégâts, piloter un pays à l’aveugle ?

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