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Le scandale « pétrole contre nourriture » est né du dévoiement du programme du même nom. D’un montant d’une centaine de milliards de dollars, celui-ci visait à compenser les effets des sanctions de l’ONU contre l’Irak.

Le programme « pétrole contre nourriture » à l’origine du scandale a fonctionné de début 1998 à mai 2003 pour satisfaire les besoins humanitaires d’une population irakienne souffrant des sanctions économiques imposées au régime de Saddam Hussein. Ces sanctions avaient été prises lors de l’invasion du Koweït, en août 1990. Elles étaient censées empêcher Saddam Hussein de se réarmer, au moment où il jouait à cache-cache avec les inspecteurs de l’ONU chargés de vérifier que son programme d’armes de destruction massive n’existait plus. Ces sanctions semblaient avoir aussi pour but inavoué de contribuer à un changement de régime à Bagdad, explique un analyste.

En janvier dernier, l’Irak a entamé une procédure judiciaire aux États-Unis pour réclamer des dédommagements aux entreprises étrangères impliquées, soit 93 sociétés, dont BNP et Renault, pour un total de 10 milliards de dollars.

A l’inverse de sanctions ciblées, frappant uniquement les activités de personnalités ou entreprises étroitement liées aux dirigeants d’un régime visé, les sanctions contre l’Irak étaient générales, suivies par tous les membres de l’ONU et s’appliquant à l’intégralité du commerce extérieur irakien. A l’instigation de Washington, c’était une mesure sans équivalent de par le monde à l’époque et peut-être même sans précédent historique. Le PNB par habitant en Irak a été estimé à environ 500 dollars sur la période 1990-1995, contre 2.300 avant l’invasion du Koweït et 4.300 aujourd’hui.

Devant l’ampleur des polémiques, fondées sur des affirmations difficiles à vérifier selon lesquelles les sanctions s’étaient traduites par la mort de 100.000 à 1,5 million d’enfants, l’ONU s’est lancée dans des négociations avec Bagdad, dans lesquelles Paris a pris une part déterminante, pour établir le programme « pétrole contre nourriture ». L’accord, signé en octobre 1997, prévoyait que les revenus tirés de l’exportation du pétrole irakien soient placés sur un compte séquestre géré par le Conseil de sécurité. Un tiers de ces revenus, d’un montant initial de 5,2 milliards de dollars par semestre, porté à 15 milliards en 2000, devait dédommager le Koweït pour les dommages subis pendant l’invasion irakienne. Un septième était affecté au Kurdistan irakien, qui échappait de facto à la souveraineté de Bagdad. Et le solde, 54 %, servait à l’achat de nourriture et de médicaments.

Dédommagements

En six ans, ce programme a brassé l’équivalent de 64 milliards de dollars pour son volet pétrolier et 39 milliards pour le volet nourriture. Mais, s’il a permis l’approvisionnement en denrées de base de quelque 21 millions d’Irakiens, il a aussi été l’occasion pour Saddam Hussein de monter, à partir de l’an 2000, un vaste réseau de corruption et d’influence. Le principe en était simple. L’Irak appliquait une décote de 50 cents par dollar de pétrole vendu, dont la moitié était rétrocédée à Saddam Hussein par l’entreprise bénéficiaire, en liquide, via les ambassades irakiennes. Parallèlement, les entreprises exportant de la nourriture ou des biens d’équipement en Irak surfacturaient leurs produits et versaient la moitié du bénéfice ainsi réalisé à des intermédiaires agréés par Saddam Hussein. Ce dernier voulait au passage privilégier des entreprises de pays faisant pression au Conseil de sécurité de l’ONU pour la levée des sanctions, c’est-à-dire la France, la Chine et la Russie.

Après que le scandale a éclaté, début 2004, l’équivalent américain de la Cour des comptes a calculé que Saddam Hussein avait détourné 10 milliards de dollars, chiffre ramené ensuite à 1,8 milliard. Le rapport Volcker, du nom de l’ancien président de la banque fédérale américaine, diligenté par l’ONU pour faire la lumière sur cette affaire, a estimé fin 2005 que 2.200 entreprises de 66 pays, soit la moitié de celles ayant participé au programme « pétrole contre nourriture », avaient payé, sciemment ou non, des dessous-de-table à Bagdad. Il épinglait notamment Siemens, Daimler-Benz et Volvo.

Les Échos

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