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Quelle taxe appliquer au secteur financier, pour éviter que les États n’aient à payer, sur leurs budgets, le coût d’une future crise bancaire ?

La mission confiée par le G20 au Fonds monétaire international (FMI), en septembre 2009 à Pittsburgh, doit aboutir à un rapport et à des propositions concrètes, les 24 et 25 avril, lors de l’assemblée de printemps du Fonds. A un mois de l’échéance, la réflexion des experts mandatés par les grandes puissances économiques pour mettre à contribution la sphère financière privée progresse vite. Les grands principes d’action sont posés, même si, techniquement, plusieurs options restent à l’étude.

Ainsi, en avril, le FMI pourrait soutenir la création d’une taxe sur les établissements financiers, baptisée “financial fee,” qui viendrait abonder un fonds d’assurance mondial. Le terme “fee“, pour taxe, est opportunément préféré à celui de “tax,” qui signifie impôt et est lié à la réalisation de revenus ou de profits. Il est jugé plus juste sur le plan sémantique et plus raisonnable sur plan politique.

L’idée de taxer les transactions financières, en remettant au goût du jour la fameuse taxe Tobin – imaginée par l’économiste américain James Tobin, en 1972, pour lutter contre la spéculation -, est par ailleurs abandonnée, ainsi que l’avait annoncé, dès la fin 2009, le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn. Concrètement, ce fonds d’assurance alimenté par la “taxe FMI” serait activé en dernier ressort pour éviter qu’une crise bancaire ne contamine l’économie mondiale. La gouvernance du fonds n’est pas tranchée et, de même, l’assiette de la taxe reste discutée. Le FMI semble favorable à l’idée d’une contribution large, associant tout le secteur financier (banques, assureurs, fonds, etc.), et qui serait fonction des risques pris.

En effet, par le passé, le FMI a regretté qu’il n’y ait pas eu suffisamment de freins aux risques de marché. Ses experts estiment, en outre, qu’une taxe limitée aux grosses institutions n’aurait pas de sens, puisque celles-ci sont dotées de plus de fonds propres (donc, mieux protégées). Lors de la dernière crise financière, la taille n’a pas été un critère, et de très petits établissements, gavés de produits financiers toxiques, ont coûté très cher aux États.

Pour le FMI toutefois, si un tel fonds d’assurance préventif était mis en oeuvre, il ne saurait être considéré comme un bouclier anti-faillite par les assurés, encouragés du fait même de son existence à prendre des risques, en vertu du phénomène bien connu de l’aléa moral. Dès lors, dans son rapport d’avril, le Fonds devrait inciter les Etats à réfléchir à la question du maintien des activités d’une banque en graves difficultés, à la façon de soutenir ses activités vitales, tout en arrêtant les autres.

Testaments bancaires

Ce sujet est central dans la façon de régler les crises bancaires. Car l’idée sous-jacente est d’abroger le principe du “too big to fail” qui établit qu’une banque trop grosse ne peut faire faillite, sous peine de déstabiliser l’édifice financier mondial. Ce principe, qui a conduit les États-Unis à sauver toutes les grandes banques américaines, après le chaos créé par l’abandon de Lehman Brothers, a jusqu’à présent gouverné la vie des affaires. Or, pour le FMI, il doit être possible d’organiser la mort d’un établissement, si grand soit-il, sans créer de risque systémique. La Commission européenne encourage, elle aussi, les États à réfléchir à l’adoption de “testaments bancaires.”

Au final, toute la réflexion du FMI vise à faire porter le coût du sauvetage des banques non plus sur les contribuables, mais sur leurs actionnaires et créanciers. Cela revient à alléger les finances publiques, déjà sous tension, d’un formidable aléa. Le rapport d’avril aura pour effet de conforter l’organisation dirigée par M. Strauss-Kahn dans son rôle de prescripteur de solutions pour cette période d’après-crise. Il servira de base à la mise en place de dispositifs nationaux, dont le FMI recommande qu’ils soient pilotés par une autorité bien identifiée, banque centrale ou autre régulateur. “Pour favoriser un consensus international, le FMI proposera aux pays du G20 de se mettre d’accord sur quelques idées simples, soit notamment la création d’un fonds et son objectif, explique une source proche des autorités de régulation françaises. Tout le monde se tient prêt pour le prochain G20 de Toronto en juin.

Sans attendre ces préconisations, tous les grands pays ont engagé une réflexion sur la taxation. Certains en ont déjà dévoilé l’esprit, comme le Royaume-Uni et l’Allemagne qui, tous deux, ont acquitté un lourd tribut à la crise financière et donnent des gages à leurs opinions publiques ulcérées. Mercredi 31 mars, le ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, doit présenter son projet de taxe en conseil des ministres, en présence de la ministre de l’économie française, Christine Lagarde, venue incarner l’axe Berlin-Paris. Assis sur la création d’un fonds, ce projet a vocation, selon M. Schäuble, à s’étendre à l’échelle européenne.

De fait, la France aussi soutient la création d’un tel fonds, à travers la mission confiée par Mme Lagarde à l’expert financier Jean-François Lepetit sur “la régulation des acteurs et des marchés systémiques.” Elle réfléchit au principe d’une taxe systémique, affectée à un fonds de résolution des crises, préventif, petit et manoeuvrable.

Le Monde

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