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Ils ont le sentiment de prendre leur revanche.

Eux qui n’ont rejoint l’Union européenne (UE) qu’en 2004, avec le profil bas du dernier de la classe, les voilà à présent sacrés “meilleur élève” de l’Europe ! De tous les pays de l’UE, la Pologne est le seul à pouvoir se targuer d’une croissance positive (+ 1,7%) en 2009.

Chaque trimestre, le premier ministre libéral, Donald Tusk, éprouve un malin plaisir à tenir une conférence de presse sur l’économie polonaise à la Bourse de Varsovie. Sous l’oeil des caméras, il se tient ostensiblement devant la carte de l’UE, toute de couleur rouge, à l’exception d’un îlot vert : la Pologne… Même au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), aucun pays ne peut se vanter d’avoir fait mieux.

Sur les raisons de cette bonne santé, aussi extraordinaire qu’inespérée, les analystes divergent.

Pour les uns, le pays a bénéficié d’une conjonction d’heureux facteurs, presque d’un “coup de chance”. Pour les autres, cet exploit est à mettre au crédit du gouvernement, qui, dès 2008, a su gérer la crise financière internationale “avec sang-froid”, en refusant le plan de relance massif “qui lui était conseillé de tous côtés”, et en réussissant “à donner confiance à la population”, comme le raconte, le ministre de l’économie, Waldemar Pawlak.

Une chose est sûre : même divisée par deux par rapport à l’année précédente, la consommation continue de doper la croissance du pays. Avec ses 38 millions d’habitants, la Pologne bénéficie en effet d’un vaste marché intérieur. Moins ouverte que ses voisins, moins dépendante de ses exportations, forte d’une économie diversifiée, elle n’a pas vécu comme un drame le ralentissement du commerce mondial.

A Zlote Tarasy (les Terrasses d’or), gigantesque centre commercial ouvert en 2007 derrière la gare centrale de Varsovie, on se bouscule sept jours sur sept dans les 250 boutiques aux enseignes occidentales réparties sur cinq niveaux. Quitte à changer de comportement, si les circonstances l’exigent. “Ici, une crise n’est pas vécue comme une fatalité. Les gens se souviennent du temps où ils n’avaient rien et savent se restreindre. Dès qu’on est entré dans la crise financière, la question des salaires, qui était à l’ordre du jour, a été mise sous le boisseau par les syndicats. Une attitude difficilement imaginable en France”, estime François Colombié, président d’Auchan pour la Pologne et la Russie.

Rattraper le temps perdu semble, en tout cas, être devenu la devise nationale. Il s’agit de compenser les années de pénurie de l’ère communiste, mais aussi d’atteindre le produit intérieur brut (PIB) par tête des pays les plus avancés. “La Pologne est l’un des pays les plus pauvres de l’UE, malgré sa croissance continue depuis des années. Cet “effet de rattrapage”, allié à sa taille, est l’une des explications majeures de sa performance actuelle”, analyse Rafal Kierzenkowski, économiste à l’OCDE.

Que le pays ne fasse pas partie de la zone euro est considéré ici comme une chance. Depuis 2000, les autorités laissent flotter la monnaie nationale, le zloty, rendant les exportations plus compétitives pendant la crise, surtout celles des petites voitures Fiat et Ford, fabriquées ici. De plus, la Pologne a largement profité des primes à la casse en Allemagne et en France.

L’année 2015 est le nouvel horizon fixé par les autorités pour entrer dans la zone euro. “Nous ne sommes pas pressés. L’exemple de la Grèce nous fait réfléchir. Rien ne nous y force. Il faudra trouver le bon moment”, déclare M. Pawlak.

Dans l’immédiat, la Pologne doit affronter de sérieux défis. Son déficit budgétaire en est un : en 2009, il atteignait 7,2 % du PIB, (contre 3 % autorisés par le Pacte de stabilité européen).

Le chômage, lui, est reparti à la hausse depuis 2008. Il s’établit à 8,9 % de la population active selon Eurostat (mais de 12,8 % selon les statistiques polonaises), et dépasse même parfois les 15 % dans certaines villes. C’est le cas, par exemple, de La py, petite ville de 20 000 habitants, au nord-est du pays. “Tous les habitants vivaient grâce à une seule entreprise de rénovation de wagons de train. La société a fait faillite l’année dernière. Là-bas, c’est la misère”, témoigne Konrad Niklewicz, journaliste à Gazeta Wyborcza.

L’état désastreux des infrastructures – routes vétustes, absence d’autoroutes et de lignes ferroviaires… – fait aussi partie des urgences à résoudre. Les 67,3 milliards d’euros octroyés par Bruxelles en 2009 pour le développement du pays d’ici à 2013 devraient y être en bonne partie consacrés.

En dépit des obstacles, les Polonais se montrent optimistes. Deux événements les incitent à regarder l’avenir avec confiance. Au second semestre de 2011, le pays assumera la présidence de l’UE. Et en juin 2012, la Pologne sera co-organisatrice (avec l’Ukraine) de l’Euro foot 2012. Il s’agira “d’examens de passage”, comme le souligne Aleksander Smolar, directeur de la Fondation Batory, qui assure que le pays tient d’autant plus à les réussir que son coeur bat résolument pour l’Europe aujourd’hui.

Tous les sondages le prouvent : de tous les États membres de l’UE, la Pologne est celui où le sentiment européen est le plus élevé. Pour Philippe Rusin, directeur exécutif du Centre de civilisation française de Varsovie, les jeunes Polonais se sont véritablement “approprié l’Europe”. Maintenant qu’elle est membre de l’OTAN et de l’UE, la Pologne, souligne-t-il, se sent en sécurité “pour la première fois de son histoire”.

Le Monde

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