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Le salon des agriculteurs n’a pu masquer une réalité économique édifiante : en deux ans le revenu agricole a baissé de 54%, et rien ne laisse prévoir une amélioration. Pour Christian Jacquiau, économiste, les agriculteurs vont devoir choisir entre les grands groupes chimiques, la grande distribution d’une part, et l’alliance avec les consommateurs d’autre part.

La crise, que l’on prétend économique – comme si l’économie était déconnectée du politique – frappe la majeure partie des catégories socioprofessionnelles, au seul profit de puissants groupes financiers.

La profession agricole a vu ses revenus baisser de 34% en 2009 après une chute de 20% en 2008. La tendance peut-elle s’inverser, alors que les revenus agricoles sont tributaires du pouvoir d’achat des consommateurs (en nette régression et rien n’est fait pour l’améliorer), de la générosité de Bruxelles (via la PAC, reposant sur la capacité des contribuables à la financer, ce qui sera de moins en moins assuré) et sur le bon vouloir des entreprises transnationales de l’agroalimentaire et de la grande distribution (qui n’entendent pas rogner sur leurs confortables bénéfices) ? Il est des situations plus confortables…

S’y ajoute une crise de confiance sans précédent de la part des consommateurs – de mieux en mieux informés – à l’égard d’une profession qui, dans sa globalité, n’a manifestement pas su tirer les conclusions d’un modèle qui ressemble de plus en plus à une entreprise d’autodestruction.

Le bilan est terrifiant pour le monde agricole : pertes substantielles de revenus, surendettement, maladies graves liées à l’usage intensif de produits chimiques, mal être et taux élevé de suicide… Tout cela pour satisfaire les exigences d’un modèle qui n’a de libéral que le nom et doit tendre la sébile à Bruxelles pour survivre !

Ceux qui ont conduit l’agriculture française à la faillite (n’est-ce pas ainsi que l’on désigne la situation de celui dont les recettes ne sont pas suffisantes pour couvrir ses charges ?) ont bien de la chance que personne ne leur demande de comptes aujourd’hui. La question est de celles qu’on ne pose pas…

Endormi par les discours racoleurs et lénifiants des politiques et de ceux qui ont bradé la profession au profit de leurs carrières personnelles, le monde agricole a fait le choix des géants de la chimie, des entreprises transnationales de l’agroalimentaire et des mastodontes de la grande distribution… contre les consommateurs.

OGM, HVE, un désatre humain

Et il n’est pas certain que les leçons de cette approche suicidaire aient été tirées.

La promotion d’une agriculture dite raisonnée, dont la seule évocation des partenaires  au sein du Farre (Forum de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement) aurait de quoi interpeller les plus réfractaires à la chose écologique [1]; l’incroyable imposture consistant à mettre en avant une agriculture de pseudo haute valeur environnementale (HVE) – qui n’a de valeur et d’environnemental que la communication et le concept marketing [2]; les OGM qui, partout où l’expérience est menée, conduisent à un véritable désastre humain doublé d’une dépendance accrue des paysans à l’égard des entreprises de la chimie; l’acceptation d’une tolérance de contamination – par les OGM justement – au détriment de l’agriculture biologique (des paysans menacés par d’autres paysans !) à hauteur de 0,9 %; auraient de quoi réveiller les consciences les plus insouciantes de l’avenir des générations… actuelles.

Est-ce le modèle présenté dans l’excellent documentaire américain Food Inc [3] que les syndicats agricoles appellent de leurs vœux ?

Sauf à considérer que le bon sens paysan a été sacrifié,  lui aussi, sur l’autel des chimères de la profitabilité à court terme, personne ne le croirait.

Le temps est venu – pour le monde agricole aussi –  de tourner la page des errances du XXéme siècle pour regarder vers son avenir. Une chose est sûre, il ne pourra être dissocié plus longtemps de celui des consommateurs, encore moins de celui des citoyens. L’agriculture française le comprendra. Ou disparaîtra.


[1] Basf Agro, Bayer CropScience, Dow AgroSciences, Dupont de Nemours, Syngeta, l’UIPP (Union des industries de la protection des plantes), Monsanto… auxquels s’est jointe la majorité des enseignes de la grande distribution via la fameuse FCD (Fédération du commerce et de la distribution).

[2] Lire à cet égard « Label HVE, autant croire au Père Noël ! », éditorial d’Alain Bazot, président de l’UFC-Que Choisir, dans le n° 476 de décembre 2009.

[3] Food Inc. (Robert Kenner, 2009) mais aussi Le monde selon Monsanto (Marie-Monique Robin, 2007), Tous comptes faits (Agnès Denis, 2008), Nos enfants nous accuseront (Jean-Paul Jaud, 2008), d’autres encore… Les documentaires ne manquent pas sur le sujet.

Marianne

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