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Jean-Michel Lebcher tenait le kiosque à journaux de la station Barbès-Rochechouart (Paris XVIIIe ) depuis trente ans. Figure de ce quartier à majorité maghrébine, il cède la place, fatigué d’être cerné par les revendeurs de cigarettes de contrebande et de la passivité de la police. Son fils Samir a choisi de prendre la relève. «Pas grand monde d’autre que moi pouvait le faire», reconnaît-il.

Samir promet de lutter pied à pied pour son droit à commercer. Face à lui, des dealers de toutes substances : cigarettes, cachets, drogue… Il mènera contre eux une guerre -pacifique- de territoire. (…)
Il y avait pourtant tous les ingrédients pour réussir : la plus grande offre de presse maghrébine et africaine de Paris, une clientèle de quartier fidèle, des touristes nombreux en route pour Montmartre, et même une jolie échoppe agrandie par la mairie en 2006, quand Bertrand Delanoë promettait à l’axe Magenta-Barbès de devenir un «espace civilisé» plus accueillant pour le piéton.
Jean-Michel avait prévenu : «Je le savais qu’agrandir le trottoir, c’était faire plus de place au trafic… j’avais raison.»

Le commerçant a vu depuis son chiffre d’affaires dégringoler et l’an dernier il en a perdu 60%, au point de finalement ne même plus se faire livrer les journaux et laisser dépérir son étalage. Fin décembre, sa table arborait des magazines périmés. Elle ne servait plus qu’à occuper le trottoir pour ne pas le céder aux trafiquants. (…)
L’agrandissement de son trottoir a coïncidé avec l’envolée des prix du tabac et le développement du trafic de cigarettes de contrefaçon. Venues de Chine ou d’Europe de l’Est, elles sont vendues autour de 3 euros le paquet et font vivre des dizaines de jeunes gens.
Le kiosquier ne leur en veut pas, à ces traficants essentiellement des Algériens sans-papiers tout juste arrivés du bled et qui n’ont que ce trafic pour survivre : «c’est la misère humaine». Il déplore juste que la police n’ait aucun moyen de les arrêter. (…)
La Coupe d’Afrique des nations a été un moment particulièrement chaud pour le quartier. Les supporters algériens se sont hissés sur le kiosque de Jean-Michel, l’ont redécoré, ont essayé de défoncer son rideau de fer. Samir a mal digéré d’avoir dû fermer son kiosque à 13 heures, de peur de ne plus pouvoir contrôler la situation :
«Moi je paie des charges, et j’ai même pas le droit de voir mon commerce protégé. Les rangées de CRS étaient là, de l’autre coté du carrefour, et me disaient “tant que c’est festif, on laisse faire”. Le problème c’est que là, la police leur donne raison.»
Source : Rue 89

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