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Total doit officialiser aujourd’hui [1er février 2010] la fermeture de sa raffinerie de Dunkerque. Un exemple spectaculaire de la façon dont la crise accélère la désindustrialisation de la France. Une croissance en berne, des coûts de production élevés : ce n’est plus en Europe, mais dans les pays émergents que les industriels investissent.

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Dunkerque, ville symbole. Le 19 novembre 1988, le Premier ministre d’alors, Michel Rocard, annonçait « une très grande et très bonne nouvelle économique pour la France » : la construction par Pechiney d’une usine d’aluminium à Dunkerque.
Vingt ans plus tard, où en est-on ? Pour la ville du Nord, ce lundi est à marquer d’une pierre noire. Rexam, le groupe britannique qui avait repris l’usine de boîtes-boissons de Pechiney en 2001, a fait une croix sur ce site. Il doit envoyer aujourd’hui les lettres de licenciement à son personnel. Sur un marché en surcapacité, l’usine sortie de terre en 1991 n’était plus compétitive, selon la direction.
C’est ce lundi, aussi, que Total doit officialiser la fermeture de sa raffinerie des Flandres, autre cathédrale industrielle de la région. La raffinerie, qui emploie 370 salariés et 450 sous-traitants, est à l’arrêt depuis mi-septembre. Elle ne devrait pas redémarrer et serait transformée en dépôt.
Total gagne de l’argent, bien sûr. Dans dix jours, le champion français devrait dévoiler un bénéfice annuel d’environ 8 milliards d’euros. Mais ces profits ne viennent pas de la raffinerie des Flandres qui, elle, est déficitaire. D’où la décision de fermer l’unité, malgré la polémique qui s’annonce.
Dunkerque est un bon miroir de l’industrie française. Malgré le volontarisme politique qui a amené à créer des sites comme ceux de Pechiney, l’industrie ne cesse de perdre du terrain en France.

Et, depuis un an, la crise accentue le mouvement. « Elle provoque une accélération de la désindustrialisation et des délocalisations vers les pays émergents », constate Patrick Artus de Natixis.
Les cas spectaculaires de Rexam et Total à Dunkerque s’ajoutent à la kyrielle de fermetures, qui a marqué l’année écoulée. Le couperet est notamment tombé sur l’usine Continental de Clairoix, celle de Molex, un autre équipementier automobile, à Villemur-sur-Tarn, l’unité de téléviseurs Philips de Dreux, les usines chimiques de Celanese à Pardies (Pyrénées-Atlantiques) et de Clariant à Huningue (Haut-Rhin) ou encore la cokerie de Carling, en Lorraine.
D’autres suivront, même si le gouvernement a obtenu qu’un groupe comme Renault, dont il est actionnaire, garde tous ses sites tricolores.
« En Europe, un certain nombre d’usines arrêtées à titre provisoire quand la demande a brutalement chuté ne redémarreront jamais », pronostique un PDG du CAC 40. «Soyons clairs : ces usines sont souvent vieilles, peu efficaces. Les moderniser coûterait très cher, alors que les marchés sont ailleurs. »
Ce déclin des industries classiques est général dans les pays de l’OCDE. Mais il est spécialement marqué en France, dont la part de marché, dans les exportations mondiales, est en recul depuis quinze ans. Le signe d’une compétitivité dégradée, notamment par rapport à l’Allemagne, qui a regagné beaucoup de terrain ces dernières années.
Un exemple ? Le papier-carton. Depuis 2000, la production de cette filière a grimpé de 14 % outre-Rhin, malgré la crise. En France, elle a, au contraire, chuté de 18 %. Trois usines ont encore fermé en 2009.

Le plus inquiétant, pourtant, ce n’est pas que des usines disparaissent. C’est qu’il s’en construise si peu de nouvelles. La France a largement raté le coche de la high-tech. Elle est partie avec retard dans les très porteuses énergies vertes. Et globalement, les industriels préfèrent investir ailleurs. Question de coûts de production et de marché.

« Le différentiel de croissance entre l’Europe et les pays émergents est en train d’exploser. Cela conduit logiquement à créer de nouvelles capacités dans ces pays émergents, pas ailleurs », constate Jean-Pierre Clamadieu, le patron du chimiste Rhodia. « La croissance se fait en Asie, les nouvelles usines aussi. »

Les Echos

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