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Par Olivier Demeulenaere
La thèse selon laquelle le libéralisme, voire « l’ultralibéralisme » serait à l’origine de tous nos maux ne résiste pas à l’examen. Les interventions systématiques et répétées des autorités publiques dans la vie économique et sociale montrent que l’étatisme est au moins aussi important.  Certes, les dérégulations massives, ainsi que le démantèlement des frontières au nom de la libre circulation des biens, des services et des capitaux ont fait des ravages. Mais, même aux États-Unis, l’utilisation de l’arme monétaire, budgétaire ou fiscale par les pouvoirs publics a pris des proportions gigantesques – au point que les USA ont été rebaptisés par certains USSA (« États-Unis socialistes d’Amérique »).

Que ce soit la socialisation des pertes du système bancaire ou les politiques de relance de l’activité, les dernières initiatives du gouvernement américain ont de quoi faire enrager les libéraux.
Pour comprendre pourquoi et comment les États (et derrière eux, l’oligarchie financière) ont pu pervertir à ce point le fonctionnement des économies, un article écrit par Alan Greenspan en 1966, et bien connu des défenseurs de l’or, est éclairant. Comble d’ironie, son auteur n’est autre que celui qui deviendra le président de la Fed de 1987 à 2006, et à ce titre, le grand ordonnateur du quantitative easing responsable des deux dernières grandes crises !

Surtout qu’en amont, la crise financière elle-même a été causée par une politique monétaire expansionniste : c’est à une stimulation artificielle du crédit et de l’endettement que l’on doit les célèbres bulles spéculatives dont l’éclatement a provoqué le krach Internet en 2000 et l’énorme collapsus de la fin 2008. Il faut bien l’admettre : les manipulations monétaires engendrent des crises financières et, par voie d’entraînement, économiques, de plus en plus rapprochées.

L’étalon-or et la croissance harmonieuse des économies
Dans L’or et la liberté économique, Greenspan montre que sans l’abandon de l’or comme étalon monétaire, les « étatistes » n’auraient jamais pu prendre les commandes : « Un antagonisme presque hystérique à l’encontre de l’étalon-or est ce qui unit les étatistes de toute livrée. On dirait qu’ils sentent peut-être plus clairement et plus subtilement que bien des défenseurs cohérents du laissez-faire que l’or et la liberté économique sont inséparables, que l’étalon-or est un instrument du laissez-faire et que l’un implique et nécessite l’autre ».
D’un point de vue monétaire, l’or possède presque tous les avantages aux yeux de Greenspan : rare, durable, transportable, homogène, divisible, il constitue la base d’un « système de banque libre protecteur de la stabilité et d’une croissance économique équilibrée ». Le métal jaune à lui seul n’existe pas en quantité suffisante pour satisfaire tous les besoins d’une économie qui se développe ; en revanche, un système de crédit fondé sur des réserves en or est à la fois assez souple pour autoriser l’expansion de l’économie et assez contraignant pour interdire une création monétaire (un volume de prêts) excessive.
En outre, un tel système étendu à tous les pays favorise le commerce international et la spécialisation des activités. « Alors même que les unités d’échange (le dollar, la livre, le franc) sont différentes d’un pays à l’autre, lorsque toutes sont définies en termes d’une masse d’or les économies des différentes nations se comportent comme une seule – aussi longtemps qu’il n’y a pas de restrictions sur les échanges ni sur les mouvements de capitaux. Le crédit, les taux d’intérêt, les prix ont tendance à évoluer de la même manière dans tous les pays ».
La Fed a provoqué la Grande Dépression

Quoique de façon incomplète, ce système de l’étalon-or a existé avant la première guerre mondiale. Mais un événement survenu en 1913, la création de la Réserve fédérale, marque selon Greenspan la fin de cette belle et libre organisation monétaire. A compter de ce moment, les interventionnistes de l’État-Providence vont tout faire pour accroître sans fin le crédit au nom de la lutte contre les récessions, pourtant très brèves sous le régime de l’étalon-or.
« L’excès de crédit que la Fed injectait dans l’économie se déversait sur les marchés financiers, y provoquant une fantastique hausse spéculative. Avec retard, les responsables de la Réserve Fédérale tentèrent d’éponger les réserves en excès et réussirent finalement à freiner la hausse. Mais c’était trop tard : dès 1929 les déséquilibres spéculatifs étaient devenus si écrasants que cette tentative provoqua un reflux rapide et une démoralisation des entrepreneurs. Et l’économie américaine s’effondra. La Grande-Bretagne s’en tira encore plus mal, et plutôt que de subir les conséquences de sa folie passée, elle abandonna tout à fait l’étalon-or en 1931, détruisant ce qui restait de la confiance et déclenchant des faillites en cascade dans le monde entier. L’économie du monde s’enfonça dans la grande dépression des années 1930″.
44 ans plus tard, cet essai s’avère prémonitoire !
L’État-Providence, un mécanisme de confiscation de l’épargne

Mais pourquoi intervenir ainsi dans l’économie ? Est-ce vraiment pour faire face aux risques de récession ? Pas du tout, répond Greenspan : l’État-Providence est le mécanisme qu’ont inventé les gouvernants pour spolier les épargnants du fruit de leur travail, sous prétexte de redistribution des richesses. L’impôt étant visible donc limité, le déficit budgétaire devient le meilleur moyen pour confisquer la richesse grâce à l’inflation. On emprunte de l’argent sous forme d’obligations d’État financées grâce à l’accroissement illimité du crédit bancaire. Ce qui est naturellement impossible sous le régime de l’étalon-or.
« Voilà donc le minable secret de ces tirades étatistes contre l’or. Le déficit budgétaire n’est rien d’autre qu’une combine pour confisquer la richesse sans en avoir l’air. L’or apparaît comme le gêneur dans cet insidieux processus. Comme le protecteur des droits de propriété. Si on saisit cela, on n’a aucune peine à comprendre la haine des étatistes à l’encontre de l’étalon-or ».
Cinq ans après la publication de cet article, Richard Nixon achevait le processus de confiscation en mettant fin à la convertibilité-or du dollar.
Olivier Demeulenaere
(Merci à Orchidée)

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