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Un collectif «d’intellectuels, de chercheurs, d’écrivains, de journalistes» qui condamnent le débat sur l’identité nationale lance un appel pour un débat «sur la manière dont se construisent nos identités collectives». Il demande en particulier que l’on arrête de «stigmatiser» certaines composantes de la société française en parlant «d’assimilation».

Nous savons tous que la manière de poser une question et d’en présenter le contexte et ses présupposés déterminent souvent la réponse. (…)

Les réponses des internautes ou des personnes qui participeront au débat n’y changeront pas grand-chose, les dés sont pipés, la réponse est déjà là : les Français doivent honorer la France, son drapeau, ses grands hommes, son hymne national, son passé glorieux, mais les Français doivent aussi respecter ses valeurs de générosité et d’ouverture… bref le retour à un nationalisme de symboles, étriqué, excluant, qui ne répondra pas aux questions les plus contemporaines.

Sans le nommer, le débat tourne autour du thème de l’immigration. (…)

En un mot, «ceux qui n’aiment pas la France», sifflent l’hymne national ou manifestent lorsque l’Algérie se qualifie pour la Coupe du monde, terrorisent les banlieues, détruisent l’économie de «nos» paradis exotiques, et veulent diversifier la République tant «ethniquement» qu’en terme de religion. Ils nous font perdre «notre âme», notre «essence» et obligent leurs «sœurs» à porter la burqa.

À ignorer, et pire, à stigmatiser ces composantes de la société française en parlant «d’assimilation», le débat sur l’identité est piégé : à la recherche d’une essence nationale, il exclut du champ du «national» les formes d’altérité qui sont la marque de notre société mondialisée et de sa constante créolisation. (…)

Après avoir commémoré la destruction d’un mur à l’Est (1989-2009), il convient d’en abattre un autre : celui de nos imaginaires collectifs qui, à l’égard des populations des Suds ou ultramarines, n’a pas encore été déconstruit. C’est un des enjeux majeurs auxquels notre génération est confrontée et nous devons relever le défi avant que d’autres crises traversent nos outre-mers ou nos quartiers.

Alors oui, il faut choisir «son» débat et ce n’est pas celui de «l’identité nationale», mais bien celui de la manière dont se construisent nos identités collectives et nos valeurs communes, républicaines, dans la France postcoloniale, cinquante ans après les indépendances africaines.

Source : Rue89

Liste des signataires du collectif :

Nicolas Bancel (historien, université de Lausanne), Esther Benbassa (directrice d’études, EPHE), Pascal Blanchard (historien, laboratoire Communication et Politique CNRS), Florence Bernault (historienne, université du Wisconsin), Ahmed Boubeker (sociologue, université de Metz), Marc Cheb Sun (directeur de la rédaction, Respect mag), Catherine Coquery-Vidrovitch (historienne, professeur émérite de l’université de Paris VII), Didier Daeninckx (écrivain et romancier), François Durpaire (historien, chercheur-associé à l’université Paris I), Yvan Gastaut (historien, université de Nice), Vincent Geisser (sociologue-politologue, IREMAM CNRS), Didier Lapeyronie (sociologue, université de Bordeaux 2), Gilles Manceron (historien, LDH), Achille Mbembe (historien, université de Witwatersrand/Johannesburg), Elikia M’Bokolo (historien, EHESS), Fadila Mehal (présidente des Mariannes de la diversité), Thomas (historien, université d’UCLA).

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