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Extraits du journal suisse L’Hebdo

Durant une immersion d’une semaine dans le monde musulman, entre le Liban, la Syrie et les Emirats arabes unis, L’Hebdo a rencontré des dizaines de musulmans déçus par la décision helvétique, dans laquelle ils voient “une grave atteinte à la liberté religieuse.

Avec chaque fois, la même interrogation : pourquoi ? « Pourquoi haïssez-vous l’islam ? De quoi avez-vous peur ? » demande Samer, serveur d’un restaurant du Dubai Mall. Ce jeune Syrien n’attend pas la réponse. Il s’en va, le regard plein de dédain.

«Avec ou sans minarets, ce n’est pas la Suisse qui va arrêter l’expansion de notre religion en Europe.»

Jusque-là, la Suisse jouissait d’une image de paradis au pays d’Allah. Un pays neutre, indépendant et sans tache au milieu du choc des civilisations qui fait rage depuis le 11 septembre 2001. Pour Mohammad Ballout, journaliste franco-libanais :

« Pour nous, la Suisse, ce n’est pas un pays, c’est une banque dont on ne parle jamais ou presque. Alors vous pouvez imaginer que son irruption dans le paysage médiatique arabe fait l’effet d’une bombe. C’est comme si tu te réveillais le matin avec Cendrillon dans ton lit, ou plutôt Heidi, mais qu’elle porte une kalachnikov. C’est incroyable. On est tombé des nues. »

Et la réponse ne s’est pas fait attendre. Les dénonciations de cette Suisse haineuse qui a déclaré la guerre à l’islam fleurissent dans les quotidiens arabes. Que cela soit dans le The National d’Abu Dhabi, Al Watane de Damas, Al-Akhbar et Al-Nahar de Beyrouth, les commentaires sur le vote suisse sont sans concession et inquiétants.

«Les chroniqueurs et des dizaines de lettres de lecteurs dénoncent une décision xénophobe.»

Les chroniqueurs et des dizaines de lettres de lecteurs dénoncent une décision xénophobe et un pays qui porte désormais le flambeau européen de la croisade antimusulmane. « Désormais le chocolat suisse est devenu amer », constatent les éditorialistes.

Cette campagne médiatique commence à porter ses fruits. Dans les souks de Damas, dans la Dahieh chiite de Beyrouth et même dans les dîners mondains de Dubaï et d’Abu Dhabi, on ne parle plus que du non suisse aux minarets. Hilwan, juriste dans l’administration syrienne le jour s’interroge :

« En Occident, vous traitez les musulmans comme des terroristes. Enfin, ce n’est pas complètement de votre faute. J’en veux aussi à Ben Laden. Ce sont des méchants comme lui qui ont collé une image de violence à l’islam. »

Les autorités religieuses y vont également de leur couplet, faisant de la Suisse le sujet de leur prêche du vendredi. « Ce vote est une provocation inutile alors qu’un dialogue s’installe entre Orient et Occident », tonne Mohammed Yessar, imam de la grande mosquée des Omeyades de Damas : « Mais de toute manière, avec ou sans minarets, ce n’est pas la Suisse qui va arrêter l’expansion de notre religion en Europe. »

D’autres voix se font plus menaçantes. Ahmed, Algérien salafiste croisé à Damas et qui ne rêve que d’un départ pour la guerre sainte en Irak : « Vous voilà dévisagés ! Les Suisses font désormais partie de nos ennemis. Votre pays est une terre de Djihad. Il est sur notre liste de cibles. »

«Votre pays est une terre de Djihad. Il est sur notre liste de cibles.»

Voilà donc la Suisse dans la ligne de mire de l’extrémisme islamiste. Rien d’étonnant dans ces conditions que le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz ait appelé la semaine dernière le cheikh Khalifa bin Zayed Al Nahyan, son homologue des Emirats arabes unis, pour lui expliquer – sans s’excuser – les raisons du vote suisse.

Un appel qui a fait le lendemain la une de Al Ittihad, le quotidien émirati. Le temps presse pour éviter que l’affaire ne tourne au drame danois. Nos diplomates battent ainsi la campagne jour et nuit. Leur mission : éteindre les foyers d’incendie dès qu’ils s’allument.

Wolfgang Amadeus Brülhart, ambassadeur de Suisse aux Emirats, s’est fendu la semaine dernière d’une lettre de lecteurs dans le National pour répondre aux attaques du chef de la police de Dubaï. Le message de l’ambassadeur Brülhart : l’interdiction des minarets n’est pas celle de l’islam.

La crainte est aussi économique et nos entreprises sont en contact régulier avec les services de la Confédération et les ambassades sur place, confirme un diplomate suisse en poste au Moyen-Orient. L’enjeu est de taille. En 2008, la Suisse a exporté pour près de 9 milliards de francs de marchandises dans les principaux pays musulmans, soit un peu moins de 4% de notre balance commerciale.

Mais surtout nos diplomates se souviennent très bien du sort réservé aux produits danois après l’affaire des caricatures de Mohammed : retirés des rayons et boycottés depuis.

«Boycott : le mot est sur toutes les lèvres dans le monde arabe.»

Boycott : le mot est d’ailleurs sur toutes les lèvres dans le monde arabe. Il fleurit aussi sur Internet, essentiellement sur des sites basés en Turquie, en Egypte et en Arabie saoudite. Mais qu’en est-il vraiment ? Pour l’instant personne ne veut s’avancer.

Sur le front de la finance, les banquiers suisses tremblent, eux aussi, pour les 500 et quelques milliards de dollars arabes déposés dans leurs coffresforts. « Si les pays du Golfe retiraient leur argent de vos banques, votre économie serait fichue », menace Nesri, étudiant en droit de première année de l’Université de Damas, qui a entendu parler de l’appel du cheik Al-Qaradâwî sur Al-Jazira. Le prédicateur a exhorté les musulmans à placer leurs dollars ailleurs qu’en Suisse. (…)

Une Jurasso-Fribourgeoise établie dans les Emirats avec sa famille, confie : « Nos amis musulmans ne comprennent pas le vote suisse. Et je dois avouer que ces temps, on a plus de mal à dire qu’on est Suisse. »

Un sentiment de honte que ne connaît pas Hansueli Wälte : « J’ai voté contre ces minarets. » Pourquoi ? « Je ne veux pas de femmes en burqa chez moi ni d’appel à la prière avec des muezzins », répond-il du tac au tac. « Exclu. Je respecte les musulmans ici. Qu’ils me respectent chez nous », conclut-il avant de reprendre son violon devant un parterre de femmes voilées. (L’Hebdo)

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