Mabrouck Rachedi, est écrivain, auteur du Petit Malik . Il décrit son expérience à l’International Writing Program de l’Université d’Iowa.
36 écrivains, 28 nationalités différentes et un Français : moi. J’étais le premier Français sélectionné depuis dix ans parmi cette mosaïque de valeurs montantes. Dans l’une des trois seules villes de littérature UNESCO, je respirais la diversité lors des lectures, conférences, débats, rencontres. (…) nous, écrivains du monde, enrichissions nos univers à l’encre de nos différences. Dans ces moments de partage, j’ai touché du doigt l’identité internationale.
Pendant ce temps, de France me parvenaient les échos d’une réalité étriquée. Mon pays, auxquels mes amis écrivains enviaient la lignée d’intellectuels des Lumières à Camus, explorait sa propre identité sur fond de polémiques. A l’un qui s’amusait que « quand il y en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes » répondaient des expulsions musclées.
Allez justifier qu’on renvoie chez eux des réfugiés Afghans à des gens qui croient au pays des Droits de l’Homme ! J’expliquais à ma façon – mesurée – que la France n’était ni celle d’Amélie Poulain ni celle des émeutes de 2005, ni le lieu de fabuleux destins ni en proie à une guerre civile.
Mais j’étais incapable de donner un sens à l’identité nationale qui agitait le landernau politique. Comment comprendre un débat qui correspond si peu à mes valeurs et à la tradition française d’ouverture aux autres ? A la cinémathèque proposée par tous les écrivains, je suis le seul à avoir choisi un film non originaire de son pays. Il m’a semblé naturel d’aller au-delà des frontières pour un choix de coeur.Lors de son discours d’investiture, le président Obama a déclaré « nous savons que notre héritage composite constitue une force et non une faiblesse. Nous sommes une nation de chrétiens, de musulmans, de juifs et d’hindous – ainsi que de non-croyants. Nous sommes façonnés par toutes les langues et cultures originaires des quatre coins du monde ». Cette exception multiculturelle qui devrait être la règle, je l’ai vécue pendant trois mois. Et si c’était notre identité ?
Source : Métro
