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La sortie de crise paraît bien incertaine. Plus l’économie réelle souffre, plus la Bourse pavoise. C’est simplement le fruit de l’abondance de liquidités des plans de relance. Ces politiques monétaires laxistes des banques centrales et ces politiques budgétaires aventureuses des États portent un nom ancien, «la planche à billets».

Malgré le vernis technique mis à les habiller, ce n’est qu’un réflexe panique, une fuite en avant sans prétention ni d’anticipation ni de réforme. On fera plus tard le bilan de cette période où les plans de relance ont marqué un basculement, dans le sens où l’Asie et les autres pays émergents sont devenus propriétaires des économies occidentales en les finançant à crédit.

Cette crise est nouvelle. Ce n’est ni une crise de l’offre ni une crise de la demande. C’est une «crise des actifs». La spéculation autonomise la valeur des actifs : elle crée les bulles. La finance a cru être une source autonome de richesse. L’affaire des subprimes a montré qu’il n’en était rien. La spéculation (alimentée par le crédit facile) et le carry trade sont devenus le poison d’une économie virtuelle. C’est le signe d’une société qui privilégie la rente sur le travail.

Bouclier fiscal, exonération des droits de succession, diminution relative du coût du travail, défiscalisations, les exemples ne manquent pas de ces politiques, initiées à l’origine par la droite américaine, qui nous ont précisément menés à la crise d’aujourd’hui. L’ajustement des valeurs d’actifs est inévitable et la crise reste devant nous. Personne n’envisageant le retour à une croissance flamboyante, la sanction des relances sera fatalement classique: l’hyperinflation ou l’hyperimpôt.

L’hyperinflation reste possible, nonobstant les débats internes à la Banque centrale européenne (BCE). La tentation sera forte de rembourser en monnaie de singe. Mais, si l’hyperinflation paraît aisée à court terme, elle menacera à moyen terme la démocratie ; très vite les possédants chercheront un sabre pour protéger leurs patrimoines. L’Allemagne en est encore marquée.

Plutôt que de subir l’hyperinflation, il faut la combattre en lui opposant un volontarisme démocratique : la déflation des actifs doit être organisée par l’impôt comme stratégie de sortie de crise et de justice sociale. Il faut taxer la richesse et remettre le capital au service de l’économie. Cette politique de sortie de crise doit être l’exact inverse de celle menée à ce jour.

Les politiques monétaires doivent relever les taux d’intérêt au-dessus du taux d’inflation. Ce n’est pas au crédit de favoriser l’investissement, mais à l’investissement de justifier d’une perspective qui lui donne accès au crédit. Il faut aussi contraindre réglementairement les banques à une forte augmentation de leurs fonds propres pour qu’elles deviennent leurs propres assureurs, sans avoir à solliciter à nouveau le contribuable pour les risques qu’elles prennent.

Les politiques budgétaires doivent revenir à un équilibre financier compatible avec l’avenir des générations futures. L’impôt doit moins solliciter le travail et plus la rente : impôt sur la fortune pour remettre les patrimoines dans le circuit économique, impôt sur l’héritage, arrêt des niches fiscales, plafonnement des rémunérations des dirigeants de sociétés par l’impôt sur le revenu, lutte déterminée contre la fraude fiscale, en priorité. On dira que cette politique serait déflationniste. La vraie question est sur qui pèsera l’inévitable ajustement.

Cette crise annonce un changement du monde. Nous étions des rentiers et notre place est menacée. Nous n’en sortirons pas par miracle, mais par le retour à une création réelle de richesse économique, à une rémunération du travail reconnectée à la richesse produite et à un système financier ramené, comme son nom devrait l’indiquer, à son rôle premier financer l’économie et non pas l’entraîner vers le précipice.

Libération

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