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Machines à sous, courses de chevaux, poker, Loto, Banco… Internet a démultiplié l’offre de jeux en même temps qu’il a ouvert un marché sauvage. Entre problèmes de santé publique et enjeux financiers démesurés, le débat qui s’ouvre pèse plusieurs milliards.

Les Français ont dépensé 2,3 millions d’euros par heure au jeu en 2007.

En cinq ans, les sommes dépensées quotidiennement au jeu par les Français, sont passées de 47,3 millions d’euros à 57,3 millions d’euros, soit une hausse de 21 %. Un record.. “Dans un contexte économique de crise, les gens vont continuer à jouer”, prévoit Jean-François Cot, délégué général du syndicat national des Casinos de France, “parce qu’ils espéreront toujours remporter le jackpot.”

Mais statistiquement, les parieurs perdent. C’est même le fondement du modèle économique des jeux. En France, le véritable gagnant reste l’État qui, sous prétexte de protection des joueurs, contrôle, réglemente et ponctionne les trois opérateurs autorisés : la Française des Jeux (FDJ), le PMU, dont il est actionnaire principal, et les casinos. Le jackpot s’est élevé, en 2008, à 5,3 milliards d’euros, dont une part non négligeable de 750 millions d’euros de recettes réalisées sur les jeux en ligne.

Un monopole extrêmement rentable qui va pourtant prendre fin.
D’une part, parce que Bruxelles, dans sa logique de libre circulation des services, exhorte la France à ouvrir son marché des paris sportifs en ligne détenus par le PMU et la FDJ, et d’autre part parce que le lobby des casinotiers français fait pression (le groupe Partouche prenant la tête de cette fronde). Pris dans un étau, ces derniers subissent en effet la concurrence sauvage des sites de poker étrangers, sans pouvoir eux-mêmes s’installer sur la toile, là où le marché risque de devenir le plus juteux dans les années à venir.
Dos au mur, la France a dû plancher sur un projet de loi, encore tenu secret mais censé être présenté au conseil des ministres d’ici cet été, qui la mettra en conformité avec la législation européenne. Eric Woerth, ministre du Budget, ne cache pas son inquiétude : il s’agit “de préserver la part de recettes fiscales de l’État, et ça c’est un vrai pari.
Pourvu que ça joue
Les sommes les plus vertigineuses sont avancées, sur ce marché du jeu en ligne pourtant difficilement palpable. Jusqu’à 147 milliards d’ici 2015, selon le cabinet d’expertise Merrill Lynch…
Tout l’enjeu pour la France est donc de définir judicieusement le taux des taxes qu’elle imposera aux différents opérateurs de jeux en ligne. En face, les concurrents ont une longueur d’avance : l’Autrichien Bwin, les Anglais William Hill, Party Gaming, Ladbrokes et Sportingbet, le Suédois Unibet et l’Irlandais Paddy Power sont déjà en course.
En France, les opérateurs sont dans les starting-blocks. Patrick Partouche a d’ailleurs fait le choix de se mettre dans l’illégalité en lançant son site de poker en ligne, malgré une première condamnation, tandis que son concurrent Barrière ouvre le sien en mars. Serge Audin, responsable à Lyon de la société de services Carrus, qui prend les paris pour le PMU, annonce être prêt à se lancer sur Internet, tout comme la Française des Jeux, où l’on assure même ne pas craindre la concurrence. “On donne des garanties de paiement, on va continuer sur Internet notre politique de jeu responsable.
Car la protection des joueurs devant le phénomène de l’addiction est l’une des autres grandes interrogations que va susciter cette nouvelle offre exponentielle sur Internet. “Il est difficile à la France, faute d’études à ce sujet, d’avancer de bons résultats en matière de limitation de la dépendance comme preuve du bien fondé de sa politique de restriction de l’offre de jeux”, note le sénateur du Var François Trucy, auteur de deux rapports d’information sur les jeux d’argent. Mais il reconnaît toutefois au système français “le mérite d’avoir, au prix d’une réglementation draconienne et tatillonne , assaini un monde des jeux qui n’était pas spécialement réputé par le passé pour sa transparence et son intégrité.”
Macao, Vegas et Charbonnières…
C’est donc contraint par l’Europe que Nicolas Sarkozy, président de la République, va ouvrir le marché français des jeux en ligne mais, dans le même temps, il répondra à la demande pressée du lobby casinotier, avec lequel il entretient des amitiés qu’il n’a jamais cachées. Proche de Dominique Desseigne, (patron de Barrière, leader en France), mais aussi du groupe Partouche, Nicolas Sarkozy s’était déjà penché sur leur sort, en 2003, en leur accordant en tant que ministre de l’Intérieur de meilleures conditions d’exploitation des machines à sous. Par ailleurs, on trouve au sein du gouvernement chargé de mener à bien cette libéralisation, un secrétaire d’Etat assez sulfureux, Bernard Laporte, dont les liens avec les casinos ont fait les gros titres de la presse en 2007.
Si l’ancien entraîneur de l’équipe de France de rugby, autrefois propriétaire de deux casinos et proche du frère du parrain du Var, Robert Fargette, ne possède plus qu’un tiers d’un établissement de jeux en Haute-Savoie, il fait partie de cette ancienne garde véhiculant le sentiment bizarre d’un milieu où les petits arrangements entre amis vont bon train. Pourtant, “les putes et les flingues, c’est fini”, assure un formateur de croupiers lyonnais, aussi excédé par ce cliché que par nos questions. Il sera surpris: on le croit volontiers.
À Lyon, pas de plongée dans un univers moite semblable à celui de Macao, le nouveau Las Vegas où les prostituées alternent avec les machines à sous, mais plutôt dans celui de tenanciers commerçants en mal de clients qui, lorsqu’ils jouent, ont l’air de tout, sauf de s’amuser.
Tant que l’argent n’a pas de couleur ni d’odeur…
Autorisé dans les établissements de jeu depuis un an, le poker a connu un engouement proche de la folie en 2006, notamment grâce à la visibilité que lui a offert Patrick Bruel en commentant les parties diffusées sur Canal Plus.
Désormais, le poker ne se joue plus dans des tripots et des arrières-salles de bar, les amateurs de cartes côtoient les clients des roulettes anglaises. Au Lyon Vert, à Charbonnières, Paul-Éric Schulmann dirige une poker room qui fonctionne plutôt bien.
Les casinos ont changé, la clientèle aussi, raconte Paul-Eric Schulmann, Ici, on accueille des jeunes qui se font parfois refouler des clubs, on les traite bien, ils sont à l’aise. Il n’y a jamais aucun souci.

Lorsqu’on lui demande s’il s’inquiète parfois de la provenance de l’argent, Paul-Éric Schullman ne freine pas sa machine. Emballé par son propre récit et voulant jouer la carte décomplexée voire provocatrice jusqu’au bout, il répond: “qu’il vienne d’un vol de voiture ou d’une barre de shit, je ne pose pas de question, je prends. L’argent n’a pas d’odeur, vous le savez.

Paul-Éric Schulman aime rouler des mécaniques, il en fait trop et s’en amuse, jure avoir des projets plein la tête qui révolutionneront encore l’accueil des joueurs de poker. Avec le récent déménagement du restaurant la Rotonde, un vaste espace vient de se libérer dans l’établissement du Lyon Vert. “J’y mettrais bien d’autres tables, ça devrait pouvoir se faire”. Le poker n’est pourtant pas le jeu le plus lucratif pour les casinos, qui récupèrent 4% sur chaque pot. Mais il a le mérite d’animer un peu des maisons en mal de joueurs. Dernières Nouvelles d’Alsace, Lyon Capitale – 1, Lyon Capitale -2
(Merci à Gilles Bates pour cet article)

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