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La simplicité du schéma a quelque chose de séduisant : après des années de croissance déséquilibrée, qui ont vu les États-Unis endosser le rôle de la cigale tandis que l’Asie en développement, et singulièrement la Chine, tenait celui de la fourmi, l’heure serait à l’inversion du système. La consommation des ménages chinois serait notre planche de salut.

Tous les économistes savent pourtant que la transition qui fera de la Chine un acquéreur de biens de consommations prendra des années, pour ne pas dire des décennies. Car il faut pour cela, d’abord, que le revenu par tête augmente substantiellement (il tourne autour de 2.000 dollars par habitant), mais aussi que l’État mette en place une infrastructure sociale (santé, retraite, chômage) qui rassure les ménages et diminue leur propension à épargner.

L’Europe ferait mieux de ne pas trop compter sur les consommateurs chinois pour sortir de l’ornière. Ni d’ailleurs sur les Japonais, durablement englués dans un problème de pouvoir d’achat. Le scénario d’une phase de contraction de la mondialisation n’est donc pas à exclure. Ni les Américains, trop endettés, ni les Chinois, pas assez riches, ne peuvent tirer la consommation mondiale.

En attendant, l’exportation reste la clef du système chinois. Il suffit, pour s’en convaincre, de constater le revirement de Pékin concernant sa monnaie, le yuan. Alors que la Chine avait accepté de le laisser s’apprécier, depuis 2005, elle l’a arrimé, à nouveau, au américain en juillet 2008, lorsque la crise mondiale a menacé ses exportateurs. Dans une période aussi critique, plus question de se tirer une balle dans le pied en pénalisant la compétitivité du « made in China ».
À l’heure de la reprise chinoise, Pékin va-t-il laisser sa monnaie repartir à la hausse ? Les marchés en font le pari, car le yuan est objectivement sous-évalué. Pourtant, un tel scénario est loin d’être garanti, car le commerce mondial semble parti pour rester durablement anémié. Cela signifie que la concurrence mondiale va s’en trouver exacerbée. Et que dans ce contexte, le « facteur prix » sera plus important que jamais. D’ailleurs, les concurrents asiatiques de la Chine s’arrachent actuellement les cheveux pour empêcher leurs devises de s’apprécier face au yuan, entraîné par le repli du billet vert. La guerre monétaire ne dit toujours pas son nom, mais elle montre chaque jour son visage.
Dans ce contexte, que vendre à la Chine, et plus généralement à l’Asie, lorsqu’on est un pays occidental ? Des produits de consommation ? Certes, mais compte tenu de leurs revenus, les ménages chinois affichent surtout un appétit pour le « low cost », créneau sur lequel les entreprises de leur pays ont plusieurs longueurs d’avance. Des machines-outils et des biens d’équipement ? Peut-être, et l’Allemagne continuera de jouer cette carte. Mais une certaine modération risque de prévaloir, car dans six secteurs d’activité, Pékin vient d’annoncer sa volonté de lutter contre les surcapacités. Des matières premières ? oui : la Chine a recommencé à en dévorer pour alimenter sa machine industrielle. Le Brésil et le Canada retrouvent ainsi le sourire. Et l’Australie, dont le sous-sol regorge de quasiment tous les minerais possibles, vient d’augmenter son taux d’intérêt pour freiner un emballement de sa croissance.
Confirmation de Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis : « Aujourd’hui, la variable clef pour l’économie européenne devient la demande interne. » Il va falloir faire preuve d’inventivité pour la soutenir, à un moment où les dettes publiques explosent, et où il apparaît clairement que la relance keynésienne est une arme à double tranchant. Les Échos

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