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Oui, vous avez bien lu : tout le monde s’en fout.
C’est vrai qu’il y a plein d’autres soucis de par ce vaste monde. La montée du chômage, les JO à Rio, le drame de Milly, la conduite des fils de nos princes, Copenhague… C’est vrai aussi qu’il y a plein de milliards évaporés, dans les banques, dans le budget, dans les pays les plus pauvres de la planète.
Mais tout de même ! Un trou prévu de 45 milliards d’euros l’an prochain, dans une protection sociale dont nous autres Français sommes censés être fiers, devrait normalement provoquer le branle-bas. Car la protection sociale n’est pas une mission régalienne de l’Etat pour laquelle on pourra toujours matraquer le cochon de contribuable. C’est une assurance : assurance-maladi­e, assurance-chômage, assurance-vieillesse.
Et si un Etat peut afficher un déficit budgétaire année après année depuis trois décennies, auquel cas on l’appelle la France, une assurance qui est systématiquement en déficit ne peut pas survivre, on l’appelle une entreprise en faillite.
A l’inverse de l’Etat, elle n’investit pas. Son déficit vient seulement du fait qu’elle verse davantage de prestations qu’elle n’encaisse de primes. Comme elle ne dispose pas de citoyens corvéables à merci, elle n’a pas le droit à un déficit « structurel », contrairement ce que semblent croire les technocrates qui suivent le dossier. Et les cotisations affaiblies par la crise mettront beaucoup de temps à remonter, à l’inverse de certaines recettes de l’Etat comme l’impôt sur les sociétés. Logiquement, la Sécu est donc en danger de mort.
Mais ce péril suscite l’indifférence. D’abord au gouvernement, qui se contente d’annoncer des mesurettes à quelques centaines de millions d’euros – quelques centièmes du problème. Ensuite chez les partenaires sociaux, syndicats et patronat, théoriquement si fiers d’assumer la « gestion paritaire » de la protection sociale, devenue au fil des ans une fiction qui semble servir d’abord à verser des indemnités à des apparatchiks, sans le moindre souci de l’avenir du système. Enfin, dans les médias, si prompts à gonfler des bulles médiatiques sur la pression chez France Télécom, la lutte contre la récidive ou le scandale des bonus bancaires. Or là, rien. Nada. Macache walou. Pas la moindre réaction d’un côté ou de l’autre.
Si. En cherchant bien, on trouve une intervention de Philippe Séguin, devenu malgré lui le père Fouettard des comptes publics (on peut rappeler ici que dans le folklore alsacien, le père Fouettard donne des coups, tandis que saint Nicolas distribue les cadeaux). « On ne peut plus attendre », expliquait le premier président de la Cour des comptes le mois dernier. Qui a poussé l’audace jusqu’à expliquer aux députés que « rien ne serait plus dangereux à mes yeux que de tirer prétexte de la situation conjoncturelle pour ne pas voir qu’avant même la crise la Sécurité sociale faisait face à un déficit structurel de 10 milliards d’euros et à une dette cumulée de plus de 100 milliards. »

Bien sûr, la disparition de la Sécu paraît impossible, et c’est pour cette raison que son effroyable situation financière n’émeut personne. Mais, encore une fois, il n’est pas possible de continuer ainsi.

Soit la Sécu explosera en plein vol – un événement inimaginable, mais il s’est produit beaucoup d’événements inimaginables depuis deux ans.
Soit elle dépérira à petit feu, avec des retraites en peau de chagrin, des médicaments de moins en moins remboursés, des indemnités chômage dépendant de critères de plus en plus étriqués. C’est aujourd’hui le scénario qui s’amorce.
Soit l’opinion, les gouvernants, les partenaires sociaux finiront par se mobiliser sur la question. Il faudra alors agir sur tous les leviers. Relever l’âge de la retraite. Gérer vraiment les hôpitaux. Durcir l’accès aux allocations chômage. Rouvrir la Caisse d’amortissement de la dette sociale, pourtant verrouillée par une loi organique. Augmenter les cotisations. Et pour éviter que cette hausse accroisse encore le prix du travail, il faudra aussi faire basculer sur l’impôt une nouvelle tranche du financement de la Sécu. Sacré programme, peu présentable pour une élection présidentielle. Avant d’en venir là, l’injustifiable dette sociale aura encore pris au moins 100 milliards d’euros.
Les Echos

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